Justice




Banikoara : Douze cultivateurs face à la justice pour un soupçon de complicité avec le djihadisme

Devant la CRIET : des cultivateurs de Banikoara accusés d'alimenter le djihad, un procès révélateur des tensions au nord Bénin…

À la CRIET Bénin, 12 hommes de Banikoara sont jugés pour avoir prétendument alimenté le djihad en carburant,

Devant la CRIET : des cultivateurs de Banikoara accusés d’alimenter le djihad, un procès révélateur des tensions au nord Bénin

Ce lundi 5 mai 2025, la salle d’audience de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET) à Porto-Novo s’est transformée en théâtre d’un drame judiciaire aux enjeux brûlants. En effet, douze hommes, originaires de l’arrondissement de Sompérékou dans la commune de Banikoara, département de l’Alibori, ont comparu, entravés par des accusations graves : approvisionnement en carburant de groupes djihadistes opérant dans le nord du Bénin. Arrêtés le 17 avril 2025, ces cultivateurs, pour la plupart modestes, ont clamé leur innocence avec force, rejetant en bloc les soupçons de collusion avec des réseaux terroristes. Par consequent la cour a  reporté l’audience au 23 juin pour réquisitions et plaidoiries . D’ailleurs, cette affaire révèle les tensions d’une région en proie à l’insécurité et les défis d’une justice confrontée à la complexité du terrorisme.

Piégés par une accusation lourde : le récit de l’arrestation et leur déni catégorique

Le 17 avril, dans la commune de Banikoara, frontalière du Burkina Faso et du Niger, une opération des forces de sécurité a conduit à l’interpellation de ces douze hommes. Sur leurs motos Haojue Xpress, les réservoirs contenaient entre 10 et 15 litres d’essence, un fait qu’aucun d’eux ne conteste. Mais l’accusation pèse lourd : ces carburants visaient à alimenter les activités de groupes djihadistes, notamment la Jama’at Nusrat al-Islam wal Muslimin (JNIM), affiliée à Al-Qaïda, qui intensifie ses incursions dans le nord béninois depuis 2021. À la barre, les prévenus, cultivateurs pour la plupart, ont offert une défense unanime : l’essence servait à des usages agricoles, comme alimenter un tricycle pour le transport de récoltes. « Je n’ai jamais vu de djihadistes », a déclaré l’un d’eux, illustrant le fossé entre leurs témoignages et les charges retenues.

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Banikoara : un carrefour sous pression, entre économie grise et menace djihadiste

Banikoara, avec ses 75 000 habitants et ses vastes champs de coton, est un poumon économique de l’Alibori, mais aussi un point névralgique de l’insécurité régionale. Depuis l’attaque d’une gendarmerie à Kérémou en février 2020, la commune est sous la menace de groupes armés exploitant les parcs transfrontaliers comme le W, où se mêlent trafic de carburant, d’armes et de drogue. Par ailleurs, le Bénin, jadis havre de paix, a vu l’insécurité croître, avec 28 événements violents attribués à JNIM ou à l’État islamique entre novembre 2021 et avril 2025. Le carburant, vital pour les motos des djihadistes, est devenu une ressource stratégique, souvent acheminée via des réseaux informels. Cette réalité place les habitants, dont beaucoup vivent de la contrebande transfrontalière, dans une zone grise où la survie économique frôle l’illégalité.

Le défi de la preuve : quand la contrebande devient soupçon de terrorisme devant la CRIET

La CRIET est au cœur de ce dossier sensible. Dans cette affaire, le chef de « contrebande » retenu contre les douze prévenus semble fragile face à leur déni catégorique de liens avec des groupes armés. L’absence de preuves directes, comme des témoignages de complicité ou des échanges avec des djihadistes, pourrait compliquer la tâche de l’accusation, d’autant que la contrebande de carburant est une pratique courante dans la région, alimentée par les écarts de prix avec le Nigeria voisin.

Plus qu’un procès : les vrais enjeux de la lutte antijihadiste et le poids des soupçons sur les communautés

Ce procès, loin d’être un simple fait divers, reflète les défis d’un Bénin confronté à l’expansion du djihadisme depuis le Sahel. Les autorités, qui ont déployé une base militaire à Porga après l’attaque de 2021, oscillent entre fermeté et risque de stigmatisation des communautés locales, souvent peules, soupçonnées à tort de collusion. En plus, les prévenus, par leur profil modeste, incarnent cette tension : cultivateurs pris dans un engrenage sécuritaire, ils risquent de payer le prix d’une lutte antiterroriste où la nuance peine à s’imposer.

L’Heure de vérité : un verdict aux lourdes conséquences pour les accusés et le nord du Bénin

Le 23 juin, lorsque le juge rendra son verdict, l’issue de ce dossier pourrait marquer un tournant. Une condamnation sans preuves solides risquerait d’attiser la défiance des populations du Nord, tandis qu’un acquittement pourrait être perçu comme un aveu d’impuissance face aux réseaux transfrontaliers. À Banikoara, où le soleil brûle les champs et où l’angoisse des attaques plane, ces douze hommes attendent, derrière les barreaux, que la justice tranche. Dans leurs regards, un proverbe bariba semble résonner : « La vérité est comme l’eau, elle finit toujours par trouver son chemin. » Reste à savoir si ce chemin mènera à la lumière ou à l’ombre.

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