Politique




Coup d’État au Bénin : une purge qui ne dit pas son nom

Cotonou, 15 décembre 2025 – À peine remis d'une tentative de coup d'État déjouée le 7 décembre, le régime de…

Après un coup d'État manqué, le régime de Patrice Talon intensifie la chasse aux opposants. Analyse des arrestations d'Azannaï et Yayi fils. Google

Cotonou, 15 décembre 2025 – À peine remis d’une tentative de coup d’État déjouée le 7 décembre, le régime de Patrice Talon accélère ce qui ressemble de plus en plus à une chasse aux sorcières systématique contre toute voix critique. L’arrestation de Candide Azannaï, ancien allié devenu opposant virulent, le 12 décembre, suivie de celle de Chabi Yayi, fils de l’ex-président Thomas Boni Yayi, dans la nuit du 13 au 14 décembre, illustre une dérive autoritaire inquiétante. Dans un pays jadis cité en exemple pour sa vitalité démocratique, la règle semble dorénavant claire : qui n’est pas avec le pouvoir est contre lui – et finit derrière les barreaux.

 

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Coup d’État : le scénario bien rodé de la répression politique

 

Les forces de l’ordre ont interpellé Candide Azannaï, ex-ministre délégué à la Défense sous Talon lui-même, au siège de son parti Restaurer l’Espoir. Placé en garde à vue pour « complot contre l’autorité de l’État » et « incitation à la rébellion », il paie sans doute le prix de ses déclarations fracassantes : il avait qualifié les élections de 2026 de « fausses » et fustigé la révision constitutionnelle adoptée en novembre, perçue comme un moyen de consolider le contrôle du pouvoir. Malgré son défi public lancé à Talon de l’arrêter, le régime n’a pas hésité.

Moins de 48 heures plus tard, les forces de sécurité ont cueilli Chabi Yayi, cadre du parti Les Démocrates et fils de l’ancien président Boni Yayi, à son domicile en pleine nuit. Perquisition, saisie de matériels, garde à vue : le scénario est rodé. Officiellement lié à l’enquête sur le putsch avorté, ce timing précis soulève des soupçons légitimes d’instrumentalisation d’une crise sécuritaire pour museler l’opposition. En d’autres termes, le putsch manqué du 7 décembre – avec ses mutins annonçant à la télévision la destitution de Talon avant que l’appui nigérian, ivoirien et Français ne les neutralise – a offert au régime un prétexte en or.

 

La CRIET, instrument d’une justice expéditive

 

Cette vague répressive n’est pas isolée. Elle s’inscrit dans une longue liste d’emprisonnements d’opposants ou d’anciens alliés : Reckya Madougou croupit en prison depuis 2021 pour des accusations de « terrorisme » jugées politiquement motivées ; Olivier Boko et Oswald Homeky, anciens proches de Talon, ont écopé de 20 ans ferme en janvier 2025 pour tentative de coup d’État. La Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET), souvent évoquée pour son manque d’indépendance, semble devenue l’instrument privilégié d’une justice expéditive réservée aux dissidents.

 

Les signes d’un verrouillage durable

 

Parallèlement à cette répression, le pouvoir investit dans de nouvelles infrastructures carcérales : un centre pénitentiaire moderne est en construction à Ouèdo, sur 4,3 hectares, avec livraison prévue en 2026. Officiellement pour désengorger les prisons existantes, mais dans le contexte actuel, beaucoup y voient un sinistre présage : le régime se prépare-t-il à accueillir davantage d’« ennemis de l’État » ? De plus, la révision constitutionnelle tout juste validée par la Cour, instaurant un Sénat et un septennat présidentiel, passe pour une manœuvre supplémentaire de verrouillage institutionnel.

 

Coup d’État : le prix du réveil citoyen

 

Que reste-t-il de la démocratie béninoise, autrefois modèle en Afrique de l’Ouest ? Un système où critiquer le pouvoir équivaut à un crime contre l’État, où les prisons se remplissent d’opposants et où les élections à venir s’annoncent comme une formalité. Patrice Talon et sa « clique » – comme le disent de plus en plus ouvertement les citoyens – transforment le Bénin en une république bananière déguisée en succès économique. Les Béninois, épuisés par le silence complice d’une partie de la société, commencent à dire : assez. Les preuves sont là, les vidéos tournent, et la peur n’étouffe plus les voix. Le réveil est en marche, mais à quel prix ?

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