Justice




CRIET : Le verdict Amoussou, un sinistre avertissement à la liberté d’expression

Porto-Novo, 15 décembre 2025 – La Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET), cette juridiction d'exception tant…

Bénin : La CRIET condamne le cyberactiviste Amoussou à 2 ans ferme. Un avertissement sinistre à la liberté d'expression. Google

Porto-Novo, 15 décembre 2025 – La Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET), cette juridiction d’exception tant décriée pour son allégeance au pouvoir, a scellé lundi le sort de Steve Amoussou, le cyberactiviste présumé derrière le compte anonyme « Frère Hounvi ». En appel, la chambre a requalifié les faits – passant d’« injure à motivation politique » à « harcèlement électronique, diffusion de fausses nouvelles et incitation à la rébellion » – mais a cyniquement maintenu la lourde peine initiale : 24 mois de prison ferme et 2 millions de FCFA d’amende. Un maquillage judiciaire qui ne trompe personne : la sentence reste identique, et ainsi, une voix dissidente est bâillonnée.

 

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La CRIET, instrument de répression 2.0

 

Cette décision n’est pas une surprise dans un pays où la CRIET, créée en 2018, s’est muée en instrument de répression politique. Accusé d’avoir animé un compte diffusant des chroniques audio virulentes contre le président Patrice Talon et son entourage, Amoussou paie le prix de sa liberté d’expression. De plus, l’affaire est aggravée par son enlèvement en août 2024 à Lomé, au Togo – un rapt extraterritorial qui a frôlé la crise diplomatique. Rapatrié de force au Bénin pour affronter une justice expéditive, Amoussou espérait peut-être un allègement en appel. Cependant, la requalification des infractions, alignée sur les réquisitions initiales du parquet, n’a servi qu’à légitimer une condamnation déjà écrite.

 

La capitulation de la défense

 

Pire encore, l’avocat de la défense, Me Aboubacar Baparapé, présent au délibéré, a annoncé renoncer à tout pourvoi en cassation. Associé à l’appel du parquet spécial, il justifie ce choix par le « soulagement » que la criée n’ait pas aggravé la peine. Une capitulation qui interroge : dans un système où la défense semble parfois jouer le jeu du pouvoir, cette résignation laisse Amoussou croupir en prison sans espoir de recours final. « C’est un soulagement pour mon client », a-t-il déclaré – des mots qui sonnent comme une abdication face à l’inévitable.

 

Un message clair aux citoyens

 

Cette affaire illustre la dérive autoritaire du régime Talon : critique sur les réseaux sociaux équivaut désormais à un délit passible de lourdes peines, sous couvert fallacieux de « fausses nouvelles » ou « incitation à la rébellion ». La CRIET, dont les ONG et les observateurs internationaux mettent en doute l’indépendance, enchaîne les condamnations contre les opposants, les exilés rapatriés ou les cyberdissidents sans souci. En conséquence, la liste des voix réduites au silence s’allonge. Pendant ce temps, les prisons béninoises – surpeuplées et insalubres – accueillent toujours plus de prisonniers politiques.

Que reste-t-il de la liberté d’expression au Bénin, jadis modèle démocratique en Afrique de l’Ouest ? Cette confirmation en appel n’est pas qu’un verdict judiciaire : c’est un message clair du pouvoir aux citoyens – taisez-vous, ou subissez. En somme, dans ce contexte de verrouillage institutionnel croissant, avec des opposants emprisonnés ou exilés, l’affaire Amoussou sonne comme un avertissement de sinistre. La communauté internationale observe, condamne mollement, mais agit peu. Pendant ce temps, un homme paie de sa liberté le prix d’avoir osé parler. Triste bilan pour un pays qui se targue de progrès économique au détriment des droits fondamentaux.

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