Un retour emblématique après plus d’un siècle : le Kataclè, siège sacré du Dahomey, retrouve le sol béninois !
Cotonou, le 12 mai 2025, s’apprête à vibrer d’une émotion rare. Dans une semaine, le Kataclè, tabouret royal à trois pieds, emblème sacré du royaume du Dahomey, foulera à nouveau le sol béninois après plus d’un siècle d’exil. Pillé en 1892 par les troupes coloniales françaises du général Alfred Dodds lors du sac d’Abomey, ce siège, partie des trésors royaux, a été retrouvé dans les réserves du Kulttuurien museo, département du Musée national de Finlande. en effet, Sa restitution, orchestrée par une délégation finlandaise conduite par la ministre de la Culture, marque un nouveau chapitre dans la quête du Bénin pour récupérer son patrimoine spolié. Entre mémoire, diplomatie et espoirs économiques, ce retour s’annonce comme un acte de justice et un levier pour l’avenir.
Le Kataclè : symbole d’autorité arrachée, son chemin vers l’exil finlandais
Le Kataclè, modeste en apparence, mais chargé de sens, est bien plus qu’un objet. Taillé dans une seule pièce de bois, ce trône d’intronisation des princes d’Abomey incarne l’autorité et la continuité de la dynastie dahoméenne. En novembre 1892, lorsque le roi Béhanzin, acculé, mit le feu à son palais avant de s’enfuir, les flammes n’épargnèrent pas la mémoire du royaume. Les troupes de Dodds, pillant les trésors royaux, emportèrent ce siège, parmi 26 autres œuvres, vers la France. Si ces dernières regagnèrent le Bénin en 2021, le Kataclè, prêté en 1939 depuis les collections françaises au musée finlandais, échappa à l’inventaire initial, comme l’avait révélé Marie-Cécile Zinsou, présidente de la Fondation Zinsou.
LA SUITE APRÈS LA PUBLICITÉ
D’Helsinki à Cotonou : comment la Diplomatie Bénino-finlandaise a scellé le retour.
Ce n’est qu’en 2024, après des négociations menées par le ministre béninois des Affaires étrangères, Olushegun Adjadi Bakari, avec son homologue finlandaise, Elina Valtonen, que la restitution fut actée. Le 4 novembre 2024, une première cérémonie à Helsinki scella cet engagement, salué par Bakari comme « un pas vers la réconciliation des peuples ». La ministre Valtonen, quant à elle, y vit l’expression de « valeurs d’empathie mutuelle ». Ce retour, officialisé le 12 mai à Cotonou, s’inscrit dans un mouvement mondial de restitution des biens culturels, amorcé par le discours d’Emmanuel Macron à Ouagadougou en 2017.
Au-delà du symbole : une délégation porteuse d’avenir et d’espoirs économiques pour le Bénin
La délégation finlandaise, attendue ce week-end à Cotonou, ne se limite pas à un geste symbolique. Menée par la ministre de la Culture, elle inclut des hommes d’affaires, signe d’une volonté de tisser des liens économiques avec le Bénin, dont le tourisme culturel, boosté par les restitutions, a attiré 200 000 visiteurs en 2024, selon l’Agence nationale de promotion des patrimoines. Ce retour du Kataclè « trois pieds pour asseoir l’Histoire » suscite un engouement populaire. À Porto-Novo, les artisans des marchés et les prêtres vaudou préparent déjà des célébrations, voyant dans cet événement une chance de revitaliser l’économie locale.
Un Trésor en quête d’écrin : entre retards du MuRAD et débats sur l’exposition
La France a restitué 26 trésors, parmi lesquels le Kataclè viendra s’ajouter. Les autorités les conservent en attendant l’achèvement du Musée des Rois et des Amazones du Dahomey (MuRAD) à Abomey, dont elles ont reporté l’ouverture de 2022 à décembre 2025 en raison de retards dans la construction. D’ailleurs, Les fouilles archéologiques, menées jusqu’en avril 2025 sous la direction de Didier N’Dah, ont révélé des vestiges – tessons de poterie, autels portatifs – qui enrichiront ce futur écrin. En attendant, le Kataclè pourrait être exposé temporairement au palais de la Marina à Cotonou, où l’exposition « Art du Bénin d’hier et d’aujourd’hui » avait attiré 50 000 visiteurs en 2022. Ce choix, bien que pragmatique, ravive les frustrations de Ouidah, où le fort portugais, promis comme lieu d’exposition, reste inachevé, au grand dam des habitants.
Un Acte de Justice et un Ferment d’Espoir : Le Kataclè, symbole de l’âme béninoise retrouvée
Par ailleurs, ce retour du Kataclè transcende la simple restitution d’un objet. Il répond à une blessure historique, celle d’un peuple dépossédé de ses symboles par la violence coloniale. Comme le soulignait le président Patrice Talon en 2021, lors de l’arrivée des 26 trésors, « ces œuvres sont le ferment de l’unité nationale ».
Le Kataclè, avec sa silhouette épurée, porte en lui la mémoire des rois Ghézo, Glèlè et Béhanzin, dont les statues anthropo-zoomorphes – oiseau, lion, requin – incarnent la puissance spirituelle du Dahomey. À Cotonou, les étudiants de l’Université d’Abomey-Calavi, filmés par Mati Diop dans son documentaire Dahomey, primé à la Berlinale 2024, ont débattu avec lucidité des enjeux de ces restitutions, certains y voyant un outil de soft power, d’autres une reconnexion avec leur identité.
Le 12 mai, lorsque le Kataclè resplendira sous les regards du ministre béninois Jean-Michel Abimbola et de la délégation finlandaise, ce ne sera pas qu’un trône qui reviendra, mais une part vibrante de l’âme béninoise. Dans un pays où 60 % de la population a moins de 25 ans, ce geste ravive la fierté d’une jeunesse avide de se réapproprier son passé. Comme le dit un proverbe fon : « Un arbre sans racines ne peut fleurir. » Le Kataclè, planté à nouveau sur sa terre, promet de faire éclore un Bénin plus fort, plus uni et résolument tourné vers l’avenir.