Cotonou, 31 janvier 2025 — Dans un climat dans lequel chaque syllabe devient un champ de bataille juridique, la Cour Constitutionnelle du Bénin a, hier, balayé d’un revers de toge le recours de l’opposition visant à incriminer Mariam CHABI TALATA, Vice-présidente de la République. Une décision qui clôt, provisoirement, une controverse née d’une déclaration ambiguë, mais révélatrice des tensions sous-jacentes autour de l’héritage constitutionnel béninois.
Une déclaration sous la loupe à la Cour constitutionnelle : entre malentendu et machination
Tout commence à Allada, le 25 mai 2024. Lors d’une visite officielle, un citoyen lance, devant la Vice-présidente, une formule choc : « Si TALON ne fait pas cette route, s’il le faut, on va le ramener pour un troisième mandat. » Mariam CHABI TALATA, en écho à cette interpellation, aurait alors esquissé une réponse jugée équivoque par l’opposition. Pour Guy MITOKPÈ, porte-voix des contestataires, ces mots distillent un parfum de prolongation anticonstitutionnelle.
L’accusation, portée jusqu’aux marches du temple constitutionnel, se heurte cependant à une défense en règle. La Vice-présidente rétorque que ses propos, triturés hors contexte, ne visaient qu’à capter le pouls d’une population assoiffée de développement, notamment en matière d’infrastructures. « J’ai servi de caisse de résonance à une attente citoyenne, non de héraut d’une révision des règles du jeu politique », a-t-elle martelé, rejetant toute velléité de sa part ou de celle du Président TALON de forcer les verrous de la Constitution.
La Cour constitutionnelle, arbitre des nuances sémantiques
Face à ce duel rhétorique, les sages de la Cour ont tranché avec une froide précision. Leur verdict, rendu après une exégèse minutieuse des déclarations incriminées, est sans appel : « Aucune incitation à l’outre-passement des limites constitutionnelles n’a été établie. » Un désaveu cinglant pour l’opposition, qui voyait dans cette affaire une occasion de cristalliser les craintes d’un talonisme perpétuel.
Pour les observateurs aguerris, cette décision souligne la difficulté à qualifier juridiquement des propos politiques, souvent teintés de sous-entendus. « La frontière entre l’expression d’une aspiration populaire et la manipulation des esprits est parfois ténue », analyse Me Dossou AÏVO, constitutionnaliste.
Au-delà du bruit, les enjeux cachés
Derrière cette tempête dans un verre juridique se profile une réalité moins médiatique : la quête de légitimité d’un pouvoir en phase avec ses réalisations économiques, mais confronté à une opposition en mal de relais populaires. Le régime de Patrice TALON, souvent décrit comme « autoritaire par efficacité », continue de susciter des passions contradictoires, entre admiration pour ses chantiers structurants et inquiétudes sur l’érosion des contre-pouvoirs.
L’affaire TALATA-MITOKPÈ révèle aussi les mutations d’un débat public où chaque mot devient une arme. « Au Bénin, la politique se joue désormais autant dans les prétoires que dans les urnes », ironise un éditorialiste local.
Les mots, ces passants clandestins
Si la Cour a éteint l’incendie juridique, les braises de la méfiance persistent. Cette séquence rappelle que, dans une démocratie en consolidation comme le Bénin, le dialogue entre pouvoir et opposition reste un exercice d’équilibriste, où la moindre étincelle verbale peut rallumer les vieux démons de la défiance.
En refermant ce chapitre, Mariam CHABI TALATA ressort blanchie, mais l’ombre d’un troisième mandat, bien que juridiquement improbable, continue de hanter les couloirs de la politique béninoise. Preuve que, dans l’arène africaine, les constitutions sont parfois perçues moins comme des boucliers que comme des épées à aiguiser.