Dans la torpeur d’un vendredi matin, le 11 avril, les autorités judiciaires béninoises ont procédé à l’arrestation de Chadrac Watowédé Houngnibo, figure éminente de l’organisation Urgences Panafricanistes, à son domicile de Lomé, au Togo. Cette interpellation, fruit d’une coopération transfrontalière minutieusement orchestrée, s’inscrit dans une enquête visant des accusations graves : harcèlement numérique et diffamation à l’encontre de plusieurs individus. Exilé depuis plusieurs mois dans la capitale togolaise, Houngnibo aurait persisté à diffuser en ligne des contenus jugés outrageants par les plaignants, visant nommément des personnalités et ternissant leur renom. Placé en garde à vue, il attend désormais d’être entendu, tandis que son organisation dénonce un acte d’intimidation visant à museler une voix dissidente. Cette affaire, aux contours sensibles, soulève des interrogations sur la frontière entre liberté d’expression et responsabilité numérique.
Une traque numérique aux accents transnationaux
L’arrestation de Chadrac Watowédé Houngnibo marque l’aboutissement d’un processus enclenché par des plaintes déposées au Bénin, où les autorités reprochent à l’activiste des publications en ligne attentatoires à l’honneur de tiers. Selon des sources judiciaires relayées par 24 Heures au Bénin, ces contenus, diffusés via les réseaux sociaux, ciblaient des individus avec des propos jugés diffamatoires, parfois assortis de menaces implicites. Le Code béninois du numérique, adopté en 2018, sert de socle légal à l’enquête, avec ses dispositions réprimant le harcèlement électronique et la calomnie en ligne. L’activiste, qui s’était établi à Lomé après avoir quitté le Bénin, aurait maintenu une activité numérique intense, défiant les signalements répétés des plaignants.
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L’opération, menée à l’aube, a nécessité une collaboration entre les services béninois et togolais, bien que les détails de cette synergie demeurent voilés. Cette coopération, confirmée par des médias locaux comme La Nouvelle Tribune, illustre la détermination des autorités béninoises à poursuivre les infractions numériques au-delà de leurs frontières. Houngnibo, aujourd’hui en garde à vue, verra ses déclarations confrontées à un arsenal de preuves techniques : captures d’écran, historiques de publications et échanges électroniques, patiemment collectés par les enquêteurs.
Chadrac Watowédé Houngnibo : une voix panafricaniste sous pression
L’organisation Urgences Panafricanistes, dirigée par l’activiste Kemi Seba, n’a pas tardé à réagir. Dans un communiqué publié sur sa page Facebook le 12 avril, elle a fustigé une interpellation « arbitraire et opaque », y voyant une tentative de réprimer les défenseurs de la souveraineté africaine. Houngnibo, présenté comme coordinateur national au Bénin, incarne pour ses partisans une résistance face à ce qu’ils qualifient de « néocolonialisme numérique ». Le mouvement, connu pour ses prises de position radicales contre le franc CFA et les accords internationaux jugés désavantageux, perçoit cette arrestation comme une riposte à ses mobilisations prévues le 3 mai 2025 dans plusieurs capitales africaines.
Cette rhétorique, relayée par des posts sur X, a suscité des réactions contrastées. Certains saluent la fermeté des autorités face à ce qu’ils décrivent comme des dérives verbales, tandis que d’autres y voient une atteinte aux libertés fondamentales. L’affaire ravive un débat récurrent au Bénin, où la justice, notamment via la Cour de Répression des Infractions Économiques et du Terrorisme (CRIET), est parfois accusée de cibler les opposants sous couvert de motifs légaux.
Une justice à l’épreuve des preuves
À ce stade, aucune charge formelle n’a été retenue contre Houngnibo, dont le sort dépendra de l’audition en cours. Les enquêteurs, appuyés par le Centre National d’Investigation Numérique, dissèquent les éléments à charge : des publications datant de 2024 à 2025, où l’activiste aurait visé des figures publiques béninoises, les accusant de compromission ou de corruption. Ces allégations, si elles relèvent de la diffamation selon le droit béninois, pourraient entraîner jusqu’à trois ans d’emprisonnement, conformément à l’article 149 du Code du numérique. Une condamnation antérieure de Houngnibo, en décembre 2023, pour injures publiques, ajoute une ombre au dossier, bien que l’intéressé ait alors écopé d’une amende de 5 millions de FCFA.
L’interpellation de Chadrac Watowédé Houngnibo, au-delà de son caractère judiciaire, pose une question épineuse : où s’arrête la liberté de critiquer, et où commence l’abus ? Ses défenseurs clament que l’activiste, en pointant les dérives présumées de l’élite, ne faisait qu’exercer un droit citoyen, dans un continent où la parole libre est un combat. Mais les plaignants, eux, arguent que nul ne saurait salir impunément une réputation sous prétexte d’idéalisme. Et si la justice béninoise, en brandissant le Code du numérique, se drapait d’une vertu sélective, visant à étouffer les voix qui dérangent tout en laissant prospérer d’autres formes de désordre en ligne ? Dans ce ballet d’accusations et de principes, une vérité semble se dessiner : l’ère numérique, en offrant un mégaphone à chacun, pourrait aussi devenir l’arène où se jouent les batailles les plus insidieuses pour le pouvoir et la vérité.