À Azovè comme à Cotonou, le Bénin rend hommage à Emmanuel Golou. Derrière les larmes, une question demeure : qui poursuivra son œuvre de dialogue et de rigueur budgétaire ?
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Cotonou, 21 septembre 2025 – Hier, sous un ciel voilé de regrets, la petite ville d’Azovè a murmuré un au revoir éternel à Emmanuel Golou. À 70 ans, cet homme aux épaules larges comme le fleuve Couffo, où il a été inhumé samedi, s’est éteint le 2 septembre dernier au CHU Hubert Maga, emportant avec lui un siècle de luttes et de silences constructifs. Cependant, avant cette terre natale qui l’a vu naître, c’est à Cotonou, vendredi dernier, que la République a plié le genou. Les présidents des institutions, unis dans un rare chœur de fraternité, ont gravé leur peine dans un cahier de condoléances au Conseil Économique et Social (CES). Ce geste n’était pas seulement de deuil : c’était également un miroir tendu à l’avenir du Bénin, forgé par des hommes comme lui.
Dans l’air lourd du siège du CES, où Golou siégeait en tant que 2ᵉ vice-président, les mots ont coulé comme une prière laïque. Louis Gbèhounou Vlavonou, président de l’Assemblée nationale, a pris la parole au nom d’un aréopage solennel, composé des présidents de la Cour constitutionnelle, de la Cour suprême, de la Haute Cour de justice, de la Cour des comptes, de la Haute Autorité de l’audiovisuel et de la communication, et du Médiateur de la République.
« Nous sommes ici, tous Présidents d’institutions, pour rendre hommage à la mémoire de notre compatriote Emmanuel Golou », a-t-il lancé, la voix éraillée par l’émotion. Il a ajouté, dans un souffle de solidarité : « Face à cette douloureuse séparation, nous ne pouvions rester en marge. Nous venons soutenir notre collègue Konrad Gbaguidi dans cette épreuve, l’entourer de notre affection et de notre proximité priante. »

De l’étudiant rebelle au stratège du budget : un parcours qui a marqué l’histoire
Ce qui aurait pu n’être qu’une formalité s’est mué en un tissu vivant de réminiscences. Vlavonou, les yeux dans le vague, a déroulé le fil d’une amitié forgée dans le feu des années étudiantes. « Depuis le lycée jusqu’à l’université, au sein de l’Ugeed, nous avons partagé les luttes », se souvient-il, évoquant ainsi cet illustre disparu qui, pionnier dès la première législature, a gravé les fondations du règlement intérieur de l’Assemblée nationale.
Ensuite, le ton se fait plus intime : dans la coalition Union fait la Nation, Golou pilotait la cellule d’analyse économique et financière du budget. « C’était grâce à son appui que nous examinions ensemble le budget de l’État avant de défendre notre position en plénière », confie Vlavonou, un sourire fugace aux lèvres. Ces bribes humanisent le parcours d’un ancien député, ministre sous Mathieu Kérékou, et ex-président du Parti Social Démocrate (PSD).
Ces anecdotes, partagées sous les plafonds du CES, résonnent comme un écho à l’émoi national. Dès l’annonce de sa disparition, le président du CES, Conrad Gbaguidi, pleurait déjà « un collègue engagé, un homme de conviction et de devoir ». En plus, sur les réseaux, les hommages affluent : Saleh Kebzabo, médiateur de la République et ancien Premier ministre tchadien, y voit « une perte pour le Bénin et l’Afrique », lui qui lui a succédé à la tête du Comité Afrique de l’Internationale Afrique. Même au-delà des frontières, une délégation du PPA-CI ivoirien, envoyée par Laurent Gbagbo, a rejoint les obsèques, reliant les deuils d’une Afrique en deuil permanent.

Un double hommage : le deuil au service de l’avenir
Ce rassemblement n’était pas qu’un rituel funèbre. En effet, avant de signer le cahier, ces gardiens de la République s’étaient retrouvés en conclave à la Haute Cour de justice. Leur objectif est de sonder l’horizon béninois, d’amortir les chocs exogènes et endogènes qui menacent le « vivre-ensemble » chèrement conquis depuis 2016. Dans un pays où les élections à venir – municipales en janvier 2026 – pèsent comme une épée de Damoclès, discuter de résilience au milieu du deuil, c’est faire d’une pierre deux coups.
« L’illustre disparu nous rappelle que la fidélité à la Nation passe par l’unité », glisse Vlavonou en conclusion, lapidaire : « Je garde assez de souvenirs de lui, et le reste appartient au destin. »

Emmanuel Golou : une flamme s’éteint, mais l’héritage perdure.
Aujourd’hui, alors que les échos d’Azovè s’estompent, le Bénin se redresse, plus conscient de ses piliers fragiles. Emmanuel Golou n’était pas un tonitruant ; il était le ciment discret d’une démocratie naissante. Son départ interroge : qui prendra le relais pour tisser les budgets de demain, apaiser les fractures d’aujourd’hui ? À Cotonou, on murmure déjà que son ombre bienveillante veillera.
Son héritage de compromis et de service silencieux servira-t-il d’exemple aux jeunes politiciens béninois, ou sera-t-il emporté par le tourbillon des ambitions futures ?
