Sans colistier, point de salut. L’histoire de Françoise Gbayido, commerçante et candidate indépendante à la présidentielle de 2026, est celle d’un combat contre les rouages de la loi. Éconduite par la CENA, elle incarne le paradoxe d’une démocratie béninoise où les outsiders peinent à s’imposer face aux exigences de l’élite partisane.
LA SUITE APRÈS LA PUBLICITÉ
Cotonou, 16 octobre 2025 – Devant les grilles impeccablement gardées de la Commission électorale nationale autonome (CENA), une scène presque théâtrale a eu lieu mardi, jour de clôture du dépôt des candidatures. Une femme d’une soixantaine d’années, Françoise Gbayido, candidate indépendante à la présidentielle d’avril 2026, brandissait un dossier cartonné comme un bouclier. Pas de cortège bruyant, pas de partisans en chemises assorties : juste son rêve d’un Bénin « équilibré financièrement ».
Les agents de sécurité, inflexibles, l’ont renvoyée chez elle : sans colistier, point de salut. Cette anecdote révèle les rouages d’un système électoral béninois qui, malgré ses avancées, verrouille encore la porte aux voix solitaires – surtout quand elles sont féminines et hors des clous partisans. Dans un pays où la politique reste un club d’hommes chevronnés, Gbayido incarne une brèche inattendue.
Françoise Gbayido : cinq ans de combat et un rêve « talonnien »
Cette sexagénaire, commerçante de son état et militante de la première heure, n’en est pas à son coup d’essai. Cinq ans plus tôt, en 2021, elle avait déjà tenté l’indépendance totale, avant que son dossier ne soit éconduit pour « défaut de pièces justificatives ».
Aujourd’hui, elle revient plus déterminée, inspirée par les « belles réalisations » du président sortant Patrice Talon. « Je veux marcher dans ses pas, mais ajouter l’équilibre budgétaire que notre pays mérite », confie-t-elle dans une déclaration recueillie sur place. Sa voix porte l’écho d’une conviction forgée dans les marchés animés de Cotonou.
Son discours modeste, presque humble, contraste fortement avec les duos ronflants – comme celui fraîchement annoncé par Les Démocrates, avec Renaud Vignilé Agbodjo en tête d’affiche – qui paradent déjà aux portails de la CENA.
L’obstacle du binôme et le paradoxe de la loi
L’obstacle majeur réside dans la loi électorale béninoise, impitoyable sur ce point : tout candidat à la magistrature suprême doit s’allier à un colistier pour le poste de vice-président. Cette mesure, censée promouvoir la stabilité et l’équilibre des genres, devient ainsi pour une indépendante comme Gbayido un parcours du combattant.
« Elle cherchait désespérément son binôme, là, devant le portail », témoigne un observateur présent ce soir-là, soulignant comment cette exigence transforme l’entrée en lice en un casting forcé.
À l’heure où plusieurs prétendants se bousculent pour les places qualificatives – un processus qui s’achève fin novembre –, son cas met en lumière un paradoxe : le Bénin, pionnier africain de l’alternance pacifique depuis 1990, peine encore à ouvrir grand ses arènes aux outsiders. Les femmes, qui ne représentent que 11 % des parlementaires, y voient aussi un symbole supplémentaire des plafonds de verre.
Vers un mouvement pour plus de fluidité ?
Françoise Gbayido n’est pourtant pas du genre à baisser les bras. Issue d’un milieu modeste, elle a bâti sa notoriété sur des engagements citoyens discrets. Son programme est un cocktail pragmatique : consolider les infrastructures tout en assainissant les comptes publics, pour un Bénin « où personne n’est laissé pour compte ».
« Les duos dominants étouffent les idées neuves ; il faut des voix comme la mienne pour rafraîchir le débat », argumente-t-elle, déjà en chasse pour un allié compatible – un économiste ? Un jeune activiste ? – avant la clôture des dépôts.
En somme, ce couac à la CENA n’est pas qu’un revers personnel ; il interroge l’avenir d’une élection promise à l’incertitude. Si elle trouve son colistier – et les rumeurs parlent d’un rapprochement avec des indépendants de la société civile –, son entrée pourrait aussi bien catalyser un mouvement pour plus de fluidité dans les règles. Sinon, elle restera ce symbole poignant : une femme devant une porte close, rappelant que la démocratie béninoise, si vivace, a encore des verrous à crocheter.
