À six mois de la présidentielle de 2026, l’activiste panafricaniste Kémi Séba recentre son combat sur le Bénin, sa terre natale. Dans une déclaration virulente, il accuse le pouvoir de verrouillage démocratique et promet de harceler le régime jusqu’à l’échéance électorale.
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Cotonou, 28 octobre 2025 – Figure emblématique de la lutte anticoloniale en Afrique et dans la diaspora, l’activiste Kémi Séba franchit un cap décisif : il désigne désormais le Bénin comme le théâtre principal de son engagement politique. Dans une déclaration percutante diffusée sur les réseaux sociaux, il annonce son intention de concentrer ses efforts sur la contestation du régime en place, qu’il accuse de réprimer l’opposition et de perpétuer une forme modernisée de domination française.
Kémi Séba : une posture enracinée dans la cohérence morale
Connu pour ses mobilisations contre le néocolonialisme à travers le continent, Séba aurait pu continuer à œuvrer sur les fronts internationaux où son empreinte est déjà indélébile. Pourtant, Kémi Séba, profondément attaché à ses racines béninoises, refuse d’ignorer les tensions qui traversent son pays d’origine.
« Je ne pourrais pas dormir tranquille en ignorant les atteintes portées à mes compatriotes ici, au cœur de la patrie », confie-t-il.
Pour lui, dénoncer les discriminations subies par les Africains à l’étranger tout en fermant les yeux sur celles qui gangrènent l’intérieur du pays relèverait de la trahison. Cette cohérence morale, revendiquée avec force, guide son virage stratégique.
Une gouvernance sous feu critique
Au cœur de son réquisitoire : une gouvernance qu’il qualifie d’exclusive et répressive, particulièrement depuis 2019. Selon lui, le pouvoir en place verrouille l’accès aux urnes, emprisonne ou pousse à l’exil les voix dissidentes, et consolide les privilèges d’une élite au détriment d’une population appauvrie.
Séba assume pleinement son rôle de perturbateur, promettant ainsi de « semer le désordre » dans ce qu’il décrit comme un système corrompu, pilier d’une « Françafrique 2.0 ».
Un climat politique sous tension
À l’approche des élections présidentielles d’avril 2026, le climat politique au Bénin s’électrise. La récente invalidation de la candidature du principal opposant par la Commission électorale alimente les craintes d’un recul démocratique sous la présidence de Patrice Talon, au pouvoir depuis 2016.
Des observateurs pointent une escalade de la répression, marquée par des restrictions croissantes des libertés d’expression et d’association, dans un pays autrefois salué pour sa vitalité démocratique.
Kémi Séba , entre lucidité et dénonciation
Loin d’ignorer les avancées en matière d’infrastructures, Séba les reconnaît avec lucidité. Mais il appelle à une enquête sur les flux financiers qui les entourent, dénonçant une austérité imposée au peuple pendant que les coulisses profitent à une minorité.
« À quoi rime une façade rutilante si elle dissimule la saignée des citoyens ? », interroge-t-il, opposant le « développement des routes » à l’asphyxie du « développement humain ».
Une mémoire politique convoquée
Pour légitimer sa posture, Séba convoque l’histoire récente. Il rappelle comment Patrice Talon, alors opposant à Yayi Boni, s’était exilé en France entre 2012 et 2015 pour orchestrer une déstabilisation depuis l’extérieur, soutenant des mouvements citoyens comme les « Mercredis Rouges ».
« Ce qu’il s’est permis jadis, nul ne peut nous interdire de le reproduire aujourd’hui contre son propre clan », assène-t-il, avec une ironie mordante.
Vers une refondation ou une polarisation ?
Ce positionnement radical, partagé par d’autres figures de la dissidence, pourrait galvaniser une opposition fragmentée et affaiblie. À quelques mois des scrutins, alors que Patrice Talon a déjà placé son dauphin Romuald Wadagni dans les rouages du pouvoir malgré les controverses, la voix de Séba résonne comme un défi lancé au pouvoir, une injonction à l’opposition de sortir de sa torpeur.
En faisant du Bénin son « ultime combat », l’activiste ne se contente pas de dénoncer : il appelle à une refondation profonde, où la souveraineté ne serait plus un slogan, mais un combat quotidien pour la dignité collective.
Entre dénonciation du néocolonialisme, mémoire politique et appel à l’unité, sa posture radicale pourrait rebattre les cartes d’une opposition fragmentée. Mais ce front de résistance suffira-t-il à réveiller une démocratie sous tension ?
Reste à savoir si cette charge frontale portera ses fruits ou si elle accentuera les tensions dans une nation à la croisée des chemins.
