Pèrèrè, 17 décembre 2025 – Dans le nord du Bénin, au cœur du département du Borgou, la commune de Pèrèrè s’apprête à raviver la flamme d’un chapitre historique souvent relégué dans l’ombre. Le 31 décembre prochain, le village de Yariyo accueillera une cérémonie d’hommage dédiée à Saka Yérima, figure emblématique mais souvent méconnue de la lutte contre l’avancée coloniale française au nord du Dahomey (actuel Bénin) au début du XXᵉ siècle. Le village de Yariyo, lieu de sa dernière bataille, accueillera cet événement visant à restaurer la place de ce guerrier dans l’histoire nationale.
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Les racines d’un guerrier Wassangari
Né vers 1830 dans la région de Pèrèrè, Saka Yérima est issu de la noble lignée wassangari de la dynastie Macararou. Fils de Kasa Pérégui, originaire de Darukpara, et de Yon Pénuguy, de Péguru, il grandit dans le Barutem, cœur historique du peuple baatombu (bariba), où il fut très tôt imprégné des valeurs de bravoure et de défense du territoire. C’est d’ailleurs cet héritage guerrier qui forgera son caractère face à l’adversité.
Saka Yérima : Le déclic de la révolte et l’organisation du combat
À la fin du XIXᵉ siècle, alors que les troupes françaises progressent pour soumettre les royaumes du Borgou, l’incendie de son village maternel, Gbégourou, le 4 novembre 1897, déclenche sa révolte. Face à cette agression, Saka Yérima refuse la soumission et rassemble rapidement une armée de combattants venus de N’Dali, Buri et Tamaru. Pour mener sa lutte, il mobilise les forgerons locaux afin de produire des armes traditionnelles – flèches et lances empoisonnées – et organise une défense en plusieurs postes fortifiés : Guinagourou, Bonuki, puis Yariyo, près de Worokpo. Son objectif : barrer la route vers Nikki, capitale politique des Bariba.
Le sacrifice ultime de Yariyo
Cependant, la supériorité technique des troupes coloniales finit par peser sur le conflit. Les affrontements à Guinagourou se soldèrent par la victoire française, provoquant un repli vers Bonuki au cours duquel le commandant Tamasunon y perdit la vie. Retranché à Yariyo dans une forteresse réputée imprenable, Saka Yérima fait face à une attaque massive le 31 décembre 1897. Trahi par des informateurs et assailli par des renforts ennemis, il choisit alors une fin héroïque : il fait exploser sa position plutôt que de capituler. Il tombe aux côtés de son épouse, devenue depuis lors un symbole de courage féminin, Baatombu.
Saka Yérima: sortir de « l’injuste oubli ».
Considéré comme le premier grand résistant du Nord, vingt ans avant Bio Guéra, Saka Yérima incarne une fierté inébranlable. Pourtant, son nom est resté longtemps absent des grands récits nationaux. C’est pourquoi l’historien Djibril Mama Débourou a dénoncé cet « injuste oubli » dans son ouvrage de 2016. Cependant, depuis les années 2010, la commune de Pèrèrè œuvre pour sa réhabilitation. Un mausolée a été inauguré en 2021 à Yariyo, et des hommages annuels sont désormais organisés chaque 31 décembre.
Vers une mémoire nationale inclusive
Cette initiative communale s’inscrit dans un mouvement plus large de réappropriation de l’histoire locale. En définitive, en célébrant ce héros à Yariyo, les autorités de Pèrèrè cherchent à transmettre aux générations futures le récit de ces luttes oubliées, renforçant ainsi l’identité culturelle baatombu au sein de la diversité béninoise. À travers cet hommage, la communauté de Pèrèrè affirme que la résistance anticoloniale ne se limita pas au sud : elle fut multiple, ancrée dans chaque terroir.
À l’heure où le Bénin célèbre de plus en plus ses héros anticoloniaux, cette commémoration rappelle que l’histoire nationale se nourrit aussi des voix des régions. La cérémonie du 31 décembre promet d’être un moment de recueillement et de fierté pour toute la communauté, célébrant un homme dont le sacrifice continue d’inspirer la quête de dignité.
