Parakou : une moisson académique famélique à la Faculté de droit et de sciences politiques
Parakou, le 24 juin 2025 – Un vent de stupeur souffle sur les couloirs de la Faculté de Droit et de Sciences Politiques de l’Université de Parakou. Les résultats de la première session de juin 2025 viennent de tomber, révélant un constat alarmant : sur les 2482 étudiants inscrits en première année, seuls six ont réussi l’exploit de valider l’intégralité de leurs unités d’enseignement (UE), obtenant ainsi leur précieux sésame pour l’année supérieure. Ce bilan, d’une rare indigence, projette une lumière crue sur les défis structurels et pédagogiques auxquels est confrontée cette institution, exposant les écueils d’un système académique en quête urgente de réinvention.
LMD : un régime académique implacable face à une hécatombe étudiante
Les chiffres, implacables, dressent le portrait d’une déroute collective : 2476 étudiants, soit la quasi-totalité de l’effectif, se voient contraints de se présenter à la seconde session pour espérer rejoindre la cohorte des promus. Ce résultat, qualifié de « catastrophique » par les observateurs, n’étonne pourtant pas le doyen de la faculté, Moctar Adamou. Dans une interview accordée à La Nation, ce dernier attribue cette débâcle au système Licence-Master-Doctorat (LMD), adopté au Bénin depuis 2012.
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En effet, « ce n’est plus le système traditionnel où une moyenne de 10 suffisait pour passer », explique-t-il avec une gravité mesurée. « Le LMD repose sur des unités d’enseignement regroupées par matières, exigeant une validation intégrale pour accéder à l’année suivante. » De plus, en première année, pas moins de treize regroupements d’unités d’enseignement constituent autant d’obstacles à franchir. Pour obtenir leur passage en deuxième année, les étudiants doivent faire preuve d’une constance irréprochable, obtenant la moyenne dans chacune de ces unités. Une exigence qui, selon le doyen, explique la sévérité des résultats. Par conséquent, cette rigueur, bien que conforme aux principes du LMD, met en lumière une fracture entre les attentes académiques et les réalités des étudiants, souvent mal préparés à naviguer dans ce dédale de contraintes.
LMD au Bénin : la réforme à l’épreuve des réalités du terrain
Le doyen Adamou, loin de se complaire dans la résignation, contextualise cette situation en évoquant une expérience antérieure. En 2019, la faculté avait assoupli ses critères, autorisant les étudiants ayant validé 85 % des unités à passer en année supérieure, conformément aux textes nationaux régissant le LMD. Cependant, cette tentative, visant à offrir une certaine souplesse, s’est révélée contre-productive. « Les étudiants déclarés admissibles à la première session, mais devant reprendre certaines matières, négligèrent souvent la seconde session, pensant disposer d’un temps indéfini pour se rattraper », confie-t-il. Ainsi, cette désinvolture a conduit à un engorgement des reprises, compromettant sérieusement la progression académique des étudiants.
Face à ce constat, la faculté a opéré un virage stratégique dès 2020, optant pour une exigence de validation à 100 % des unités pour la première session. Cette décision, bien que rigoureuse, vise à inculquer une discipline académique et à éviter l’accumulation de dettes pédagogiques. « Nous préférons contraindre les étudiants à éliminer le maximum d’unités dès la première année, ou à défaut, à atteindre un taux honorable, supérieur à 85 %, pour être rachetés », explique le doyen. Cette approche, si elle peut sembler implacable, répond à une logique implacable : empêcher qu’un étudiant ne progresse dans son cursus tout en traînant des lacunes rédhibitoires de première année.
Parakou : le défi de la résilience académique et les leçons du LMD
Les nouvelles règles, qui interdisent de passer en troisième année avec des unités non validées en première année, traduisent une volonté de responsabilisation accrue. Elles obligent les étudiants à redoubler d’efforts dès les premiers mois de leur parcours, une exigence qui, selon Moctar Adamou, vise à forger des juristes et des politologues aguerris, capables de répondre aux défis complexes de leur future profession. Pourtant, ce système, par sa rigidité, suscite des interrogations légitimes. Les étudiants, confrontés à un volume d’enseignements dense et à une méthodologie nouvelle, peinent à s’adapter, révélant un décalage entre les ambitions du LMD et les réalités du terrain.
Ces résultats faméliques ne sont pas sans conséquences. Ils alimentent un sentiment d’inquiétude parmi les étudiants et leurs familles, qui perçoivent dans ces chiffres une forme d’injustice académique. Certains critiquent un système perçu comme élitiste, tandis que d’autres appellent à un renforcement de l’accompagnement pédagogique pour mieux préparer les étudiants aux exigences du LMD. Le doyen, conscient de ces tensions, plaide pour une approche équilibrée, où la rigueur ne sacrifie pas l’équité. « Nous devons encourager l’effort tout en offrant des outils pour réussir », souligne-t-il, esquissant l’idée d’ateliers de soutien et de tutorats renforcés.
L’Avenir du LMD au Bénin : entre exigence et accompagnement
En somme, Parakou, dans son écrin académique, se trouve à la croisée des chemins. Les résultats de la Faculté de Droit et de Sciences Politiques, loin d’être une simple statistique, interrogent la pertinence du système LMD dans le contexte béninois. Si ce dernier vise à harmoniser les standards académiques à l’échelle internationale, il expose aussi les fragilités d’un système éducatif en transition, où les étudiants, souvent issus de parcours hétérogènes, doivent s’adapter à une rigueur inédite.
La seconde session, à venir, offrira une nouvelle chance aux 2476 étudiants recalés de démontrer leur résilience et leur capacité d’adaptation. Mais au-delà des chiffres bruts, c’est un défi plus vaste qui se profile : celui de réconcilier l’exigence académique avec l’inclusion, pour faire de la Faculté de Parakou un véritable incubateur de talents, et non un lieu d’écueils. En attendant, les six lauréats de cette première session, tels des phares dans la tempête, incarnent une lueur d’espoir, prouvant que l’excellence, bien que rare, reste à portée de ceux qui s’arment de persévérance. L’université de Parakou saura-t-elle trouver l’équilibre entre rigueur académique et soutien aux étudiants pour former les leaders de demain ?
