Bénin : À Parakou, un dialogue crucial pour forger un rempart contre le terrorisme
Dans la vibrante cité de Parakou, carrefour économique et culturel du nord du Bénin, une rencontre d’une portée historique s’est tenue le 28 avril dernier. Le Ministre conseiller à la Défense, l’honorable Rachidi Gbadamassi, figure emblématique du Borgou, a convié éleveurs et vendeurs de bétail, majoritairement issus de la communauté peule, à un dialogue crucial. Face à la menace grandissante du terrorisme qui ébranle les confins septentrionaux du pays, Gbadamassi a lancé un appel vibrant : une collaboration étroite entre les Peuls et les Forces de défense et de sécurité (FDS) est la clé pour ériger un rempart infranchissable contre les groupes djihadistes. Dans ce contexte particulier où la stigmatisation menace la cohésion sociale, cet échange marque un tournant, porté par une volonté d’unité et de résilience.
Nord Bénin : l’ombre du djihadisme et le poids de la stigmatisation sur les communautés
Pour bien comprendre l’enjeu de cette rencontre, il faut appréhender une menace qui gagne du terrain. Le nord du Bénin, jadis havre de paix, est devenu un théâtre d’incursions terroristes depuis 2019. Des groupes affiliés à Al-Qaïda, comme le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), mènent des attaques meurtrières, exploitant notamment les porosités des frontières avec le Burkina Faso et le Niger.
LA SUITE APRÈS LA PUBLICITÉ
L’opération Mirador, déployée en 2022 avec 3 000 soldats, a permis de contenir la menace, mais les récentes attaques, dont celle du 17 avril 2025 au Point triple (54 soldats tués), révèlent l’audace persistante des assaillants. Les parcs nationaux du W et de la Pendjari, poumons verts du pays, sont devenus des refuges pour ces groupes, qui utilisent les tensions locales, notamment entre éleveurs et agriculteurs, pour à la fois recruter et semer la discorde.
Dans ce tableau complexe, la communauté peule, historiquement nomade et pilier de l’élevage dans le Borgou et l’Alibori, se trouve au cœur de cette tourmente. Souvent accusée, à tort ou à raison, de collusion avec les djihadistes, elle subit une stigmatisation qui fragilise la cohésion nationale. Arrestations arbitraires, conflits fonciers et représailles collectives ont exacerbé les tensions, comme l’ont d’ailleurs souligné des représentants peuls lors d’une rencontre avec le président Patrice Talon en décembre 2024. C’est dans ce climat délicat que Gbadamassi, fort de son ancrage local et de son influence, a choisi Parakou pour poser les jalons d’une nouvelle dynamique.
L’appel de Gbadamassi à la « coproduction de la sécurité » : entre volonté politique et attentes communautaires
C’est précisément pour adresser cette situation qu’un appel à la « coproduction de la sécurité » a été lancé. Devant une assemblée d’éleveurs et de commerçants, le ministre conseiller a adopté un ton à la fois ferme et fraternel. « La lutte contre le terrorisme est l’affaire de tous », a-t-il martelé. « Vous, Peuls, gardiens de nos traditions et de nos terres, êtes les premiers remparts de notre sécurité. »
Collaborez avec nos forces, partagez vos savoirs, et ensemble, nous ferons reculer l’ombre qui menace nos foyers. » Cet appel à la « coproduction de la sécurité », un concept cher aux stratèges béninois, vise à faire des communautés locales des alliées de premier plan. Les Peuls, en raison de leur mobilité et de leur connaissance intime des territoires frontaliers, détiennent des informations précieuses sur les mouvements suspects.
En retour, Gbadamassi n’a pas éludé les griefs de la communauté. Il a reconnu les injustices subies, promettant une meilleure formation des FDS pour éviter les amalgames. « La stigmatisation est un poison plus sournois que les armes des terroristes », a-t-il déclaré. De leur côté, ils ont toutefois réclamé plus de justice dans les conflits fonciers et une modernisation de l’élevage, inspirée des modèles brésiliens ou américains, pour en faire une source de prospérité.
Stratégie de lutte : renforcement militaire et dialogue, un pari à double tranchant
Plus largement, cette initiative s’inscrit dans une stratégie plus large du gouvernement béninois, qui combine renforcement militaire et dialogue communautaire. Depuis 2023, par exemple, 3 500 nouvelles recrues ont rejoint les rangs des FDS, équipées de drones, de blindés et d’hélicoptères, tandis que des partenariats avec l’Union européenne et les États-Unis ont renforcé les capacités logistiques. Pourtant, comme l’a souligné le général Fructueux Gbaguidi lors de sa visite, la seule force militaire ne suffit pas. La collaboration avec les populations, particulièrement les Peuls, est cruciale pour à la fois anticiper les incursions et déjouer les stratégies de recrutement des djihadistes, qui exploitent le sentiment d’exclusion.
Cependant, le pari de Gbadamassi n’est pas sans risques. La communauté peule, déjà sous pression, pourrait hésiter à s’engager pleinement, craignant des représailles des groupes armés. De plus, les tensions diplomatiques avec le Niger et le Burkina Faso compliquent la coordination régionale prônée par l’ancien président Boni Yayi. Une brigade régionale, réunissant les forces de l’AES et de la CEDEAO, reste un vœu pieux dans un contexte de méfiance mutuelle.