Bénin : la CRIET, maître du suspense, prolonge l’attente de Steve Amoussou
Dans l’enceinte austère de la Cour de Répression des Infractions Économiques et du Terrorisme (CRIET) à Cotonou, ce lundi 26 mai 2025, l’espoir d’une issue rapide s’est dissipé comme un mirage dans le désert judiciaire. Steve Amoussou, présumé être l’insaisissable « Frère Hounvi », cyberactiviste aux pamphlets cinglants contre le pouvoir béninois, attendait, vêtu d’un tee-shirt blanc et d’un jean noir, sous l’ombre pesante de son gilet de détenu. Une décision, une fois encore, lui a glissé entre les doigts. En effet, la CRIET, avec une théâtralité digne d’un feuilleton judiciaire, a décidé de reporter son verdict au 2 juin 2025, prolongeant ainsi l’agonie d’un dossier qui captive l’opinion publique.
La CRIET, maître du suspens judiciaire : un verdict sans cesse reporté
La CRIET, tel un metteur en scène jaloux de son suspense, semble avoir pris goût à ces ajournements qui tiennent en haleine aussi bien les observateurs que les parties impliquées. Par conséquent, Steve Amoussou, accusé de « harcèlement par voie électronique », de « diffusion de fausses nouvelles » et de « provocation à la rébellion », reste suspendu dans l’incertitude, renvoyé dans les méandres de sa cellule à la prison d’Akpro-Missérété. Ce énième report, loin d’être une simple péripétie procédurale, illustre une certaine volupté de la cour à faire languir, comme si la justice, dans son infinie majesté, se complaisait à jouer avec les nerfs des justiciables. Deux ans de prison ferme et un million de francs CFA d’amende pendent au-dessus de la tête du prévenu, comme une épée de Damoclès dont la chute est sans cesse différée.
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L’Affaire Amoussou : une saga kafkaïenne entre exil et accusations
L’affaire Amoussou, née dans les tumultes d’un enlèvement rocambolesque à Lomé en août 2024, est devenue un symbole des tensions entre liberté d’expression et répression étatique au Bénin. Arraché à son exil togolais par des individus dont la justice a condamné deux d’entre eux à des peines légères, Steve Amoussou nie avec aplomb être l’auteur des chroniques incendiaires signées « Frère Hounvi ». « Si j’avais eu l’honneur d’être cet homme, je l’aurais revendiqué », a-t-il déclaré avec une audace qui tranche avec l’atmosphère oppressante de la salle d’audience. Néanmoins, le ministère public, fort de ses réquisitions, persiste à voir en lui l’incarnation de ce chroniqueur virtuel qui, jusqu’à son arrestation, ébranlait le régime de Patrice Talon par ses diatribes hebdomadaires.
La CRIET, dans sa quête d’une vérité qu’elle semble peiner à établir, multiplie les reports avec une nonchalance qui frise l’ironie. Les avocats de la défense, emmenés par Me Aboubacar Baparapé et Me Julien Togbadja, ne cessent de dénoncer une procédure entachée d’irrégularités, pointant l’illégalité de l’arrestation au Togo et l’absence de preuves tangibles liant leur client aux agissements reprochés. Chaque audience devient un théâtre où s’affrontent les arguties juridiques et les joutes verbales, alors que la cour, impassible, ajourne, renvoie, et ajourne encore, comme si elle cherchait à épuiser ses contradicteurs par une guerre d’usure.
Justice à deux vitesses : l’attente du verdict révèle les doutes
Ce nouveau délai, fixé au 2 juin, n’est pas qu’un simple contretemps. De fait, il ravive les doutes sur la capacité de la CRIET à rendre une justice prompte et équitable. Dans les couloirs de Cotonou, les murmures s’amplifient : la cour, créée pour juguler les infractions économiques et le terrorisme, serait-elle devenue un instrument pour museler les voix dissidentes ?
Les chroniques de « Frère Hounvi », autrefois relayées avec ferveur sur les réseaux sociaux, se sont tues depuis l’incarcération d’Amoussou, un silence que le procureur brandit comme une preuve implicite de sa culpabilité. Cependant, cette logique, aussi séduisante soit-elle pour l’accusation, peine à convaincre une opinion publique avide de clarté.
Les soutiens de Steve Amoussou, qu’il s’agisse des figures de l’opposition ou des défenseurs des libertés fondamentales, s’indignent de ce qu’ils perçoivent comme une parodie de justice. Les reports successifs, loin de renforcer la crédibilité de la CRIET, alimentent un sentiment d’arbitraire. « La justice ne saurait être un jeu de patience », a lancé un observateur, tandis que d’autres ironisent sur une cour qui semble plus à l’aise dans l’art du différé que dans celui du délibéré.
Steve Amoussou : un dénouement en suspens, la justice béninoise à l’épreuve
Alors que Steve Amoussou regagne sa cellule, l’attente se prolonge pour lui, pour ses proches, et pour un pays qui scrute ce procès comme un baromètre de son état de droit. La CRIET, en repoussant son verdict, ne fait qu’attiser les spéculations : cherche-t-elle à peaufiner une décision irréprochable ou à temporiser dans un dossier politiquement brûlant ? Le 2 juin 2025, date du prochain acte de ce drame judiciaire, dira si la cour opte pour la clarté ou persiste dans son rôle de gardienne d’un suspense dont personne, hormis elle, ne semble apprécier la mise en scène.
En attendant, Steve Amoussou, silhouette frêle dans son gilet de détenu, incarne malgré lui une question plus vaste : dans un Bénin où la parole critique est scrutée avec méfiance, la justice peut-elle encore prétendre à l’impartialité ? La réponse, comme le verdict, reste en sursis.