Cotonou, 30 janvier 2025 — La Cour de Répression des Infractions Économiques et du Terrorisme (CRIET) a entamé, ce mardi 28 janvier 2025, l’examen approfondi du dossier relatif à une présomption d’atteinte à l’autorité de l’État, impliquant une tentative supposée de coup d’État. Les débats, marqués par des révélations stratifiées et des réquisitions sévères, ont mis en lumière les mécanismes allégués d’un complot visant à renverser le pouvoir en place, selon un schéma calqué sur le modèle nigérien de 2023, prétendument « sans effusion de sang ».
Acte I : Auditions et stratégies défensives
29 janvier 2025 – La séance inaugurale a vu la comparution du commandant de la Garde républicaine, Dieudonné Tévoèdjrè, dont le témoignage a servi de pierre angulaire à l’accusation. Interrogé sur son implication présumée, l’officier a invoqué une « stratégie d’infiltration légale », affirmant avoir simulé une adhésion au projet pour en démanteler les rouages. « Je devais connaître le bout du tunnel », a-t-il déclaré, en réponse au procureur spécial qui soupçonnait un « piège » tendu à ses coaccusés.
Les prévenus principaux, l’homme d’affaires Olivier Boko et l’ancien ministre des Sports Oswald Homéky, ont quant à eux contesté l’équité procédurale, arguant de l’absence de leurs nouveaux conseils. La présidente de la CRIET, Christelle Adonon, a rejeté cette exception, ordonnant la lecture des procès-verbaux d’audition et des rapports psychiatriques, tous favorables aux accusés, ainsi que des extraits bancaires liés à des transferts suspects de fonds.
Acte II : L’écheveau financier et les incohérences
30 janvier 2025 – Lors du sixième jour d’audience, le ministère public a déployé une argumentation fondée sur des « variations substantielles » dans les déclarations patrimoniales des accusés. Oswald Homéky, dont les revenus annuels déclarés s’élèvent à 70 millions de FCFA, a été mis en contradiction face à la découverte de 1,5 milliard de FCFA en espèces à son domicile. Le procureur spécial, Mario Mètonou, a souligné que ces fonds, initialement rapatriés du Togo via un véhicule appartenant à Olivier Boko, trahissent une « logistique financière criminelle ».
L’homme d’affaires Olivier Boko, dont les revenus annuels avoisinent 4 milliards de FCFA selon ses propres dires, est désigné comme le « financier nodal » du complot. Les retraits successifs opérés par le comptable de sa société, Rock Niéri, et la trace de l’argent chez Homéky ont permis à l’accusation de construire un « faisceau de présomptions concordantes ».
Acte III : réquisitions et acquittements ciblés
Le procureur spécial a requis, à l’encontre des principaux instigateurs présumés, des peines exemplaires :
– 20 ans de réclusion criminelle et 1 milliard de FCFA d’amende contre Rock Niéri (entité morale).
– 10 ans de prison et 1,5 milliard de FCFA d’amende contre Olivier Boko et Oswald Homéky.
– Confiscation intégrale des 1,5 milliard de FCFA saisis et du véhicule utilisé pour le transport des fonds.
À l’inverse, trois coaccusés: Hugues Adjigbékou (comptable), Corneille Gbaguidi (gérant de société) et Ganiou Sanoussi (chauffeur)ont bénéficié d’un « non-lieu partiel ». Leur statut d’« agents d’exécution inconscients » des finalités réelles des actes commis a conduit le parquet à requérir leur acquittement, malgré le mandat de dépôt initial visant Adjigbékou pour tentative de fuite.
Analyse juridique : entre preuve matérielle et intentions
Cette affaire repose sur une qualification pénale duale : atteinte à l’autorité de l’État (article 150 du Code pénal béninois) et complicité de financement d’activités subversives. La CRIET, saisie en raison de sa compétence ratione materiae sur les crimes économiques graves, devra trancher entre une tentative caractérisée et une mise en scène défensive.
Ce dossier repose sur un triptyque classique en matière de complot : l’intention criminelle, la matérialité des actes préparatoires et les flux financiers. La CRIET a mis en lumière une chaîne de présomptions via des retraits bancaires tracés et des témoignages concordants. Toutefois, la défense pourrait invoquer l’absence de preuve directe d’un passage à l’acte ainsi que la régularité des fonds, bien que leur destination présumée (financement du putsch) soit au cœur des débats.
L’argument du commandant Tévoèdjrè, qui se présente en infiltré loyaliste, ajoute une complexité procédurale. Son témoignage, s’il est corroboré, pourrait requalifier les faits en « tentative avortée avec collaboration des autorités », atténuant ainsi la responsabilité pénale des autres accusés.
Prochaines étapes et implications politiques
La CRIET a suspendu l’audience jusqu’à la délibération finale, attendue sous quinzaine. Ce procès, qui mobilise l’attention nationale, interroge autant sur les mécanismes de défense de l’ordre constitutionnel que sur les limites de la preuve circonstancielle en matière de terrorisme économique.
Dans un contexte régional marqué par des transitions contestées, l’issue de ce procès pourrait envoyer un signal fort sur la tolérance zéro du Bénin à l’égard des atteintes à sa stabilité institutionnelle.