Dix ans après son retrait de la scène publique, Sévérin Adjovi sort de son silence pour dénoncer le projet de réforme constitutionnelle en cours. Dans un communiqué au ton grave, l’ancien ministre et figure de la Conférence nationale de 1990 alerte sur les dérives institutionnelles et appelle à une refondation démocratique inclusive.
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Cotonou, 5 novembre 2025 — Brisant une décennie de silence, Sévérin Adjovi, figure tutélaire de la transition démocratique béninoise, a lancé un cri d’alarme retentissant. Ancien ministre, vice-président du Parlement et maire de la cité historique d’Ouidah, il s’exprime au nom d’un « patriotisme viscéral et d’une quête inaltérable de vérité ». Dans un communiqué qui agite déjà les cercles politiques, il cible sans détour le projet de réforme constitutionnelle en gestation, qu’il qualifie de menace insidieuse contre les fondements de la République.
Une alerte morale face à une révision jugée pernicieuse
« Les annales jugeront sévèrement ceux qui, face à l’abîme, ont choisi le mutisme par complaisance », assène-t-il d’entrée, invoquant ainsi une urgence morale impérieuse. Pour cet entrepreneur aguerri, membre éminent de la Conférence nationale de 1990 – ce séisme politique qui redessina le Bénin post-dictatorial –, la mouture actuelle de la révision, drapée dans les atours d’une mise à jour institutionnelle, dissimule un poison lent.
« Elle sape les assises même de notre démocratie, forgées dans la sueur et les débats de cette Conférence fondatrice », tonne-t-il, dénonçant notamment une recentralisation de l’exécutif qui relègue le législatif au rang de faire-valoir et érode les garde-fous judiciaires et populaires. Selon lui, « sans cette symétrie des forces, notre régime n’est plus qu’une coquille vide, un théâtre d’ombres. »
Un texte sacré, pas un parchemin à manipuler.
Par ailleurs, Adjovi ne se contente pas d’une critique théorique. Il fustige toute tentative de « bricolage constitutionnel » dictée par des calculs partisans. « Un texte suprême n’est pas un parchemin à la disposition d’un individu, d’un parti ou une prolongation de bail au pouvoir ; il est l’acte d’un peuple, tourné vers l’horizon des générations à venir », martèle-t-il.
En outre, cette initiative risque d’exacerber les fractures entre les institutions et la rue, et de précipiter une « glissade institutionnelle » où les organes de l’État deviennent les otages de l’ambition.
Appel à une concertation nationale et inclusive
C’est pourquoi, dans un appel vibrant à l’unité, l’ex-maire d’Ouidah – ville symbole de résistances ancestrales – plaide pour une concertation authentique et ouverte. « Le Bénin d’aujourd’hui appelle non pas une opération chirurgicale hâtive, mais un bain de confiance mutuelle et un pont de réconciliation », insiste-t-il.
Ainsi, il en appelle aux partis politiques, aux voix citoyennes, aux guides spirituels, aux militants associatifs et aux plumes journalistiques pour veiller jalousement sur le legs de 1990. « C’est à nous, les aînés de cette ère, qu’incombe la mission sacrée de sauvegarder ce trésor, afin que les jeunes d’après-demain puissent encore miser sur le serment de notre République. »
Un réquisitoire contre les dérives démocratiques
De plus, Adjovi dresse un réquisitoire sans concession contre les entorses accumulées : certificat de conformité court-circuitant la Cour constitutionnelle, charte des partis étouffante, parrainage élitiste, justice instrumentalisée, lois électorales « toxiques », répression meurtrière de foules pacifiques, normes modifiées en pleine course électorale, et conditions humiliantes imposées à l’opposition.
« La liste est interminable, et la mesure est comble », tranche-t-il. En conséquence, « le Bénin n’a cure d’une énième manipulation constitutionnelle : il implore les Grandes Assises de la Refondation nationale ! »
Une exhortation solennelle à préserver l’héritage républicain
Finalement, Adjovi lance un appel au réveil collectif : « La noblesse authentique d’une nation réside dans l’intangibilité de ses fondations institutionnelles, et non dans l’extension indéfinie d’un cycle au pouvoir. Que la Providence veille sur le Bénin. Que triomphe notre démocratie. »
Ce manifeste, publié en pleine effervescence pré-électorale, pourrait bien catalyser un débat national.
Reste à savoir si les échos d’Adjovi, portés par le vent de l’Histoire, parviendront à temps à tempérer les ardeurs réformatrices ou à enflammer les passions pour une refondation en profondeur. À Cotonou, on murmure déjà : l’ancien lion de la Conférence est de retour, et son rugissement porte loin.
