Bénin : Richard Boni Ouorou, l’étoile montante du Libéral, entravée par les chaînes judiciaires
Cotonou, 22 mai 2025 — Dans l’aube blême de ce jeudi, alors que les premières lueurs frôlaient les toits de Cotonou, un coup de théâtre a secoué le paysage politique béninois. Richard Boni Ouorou, président du parti Le Libéral, a été placé sous mandat de dépôt par le juge des libertés, peu avant trois heures du matin, aux côtés de deux cadres du ministère de l’Intérieur. Cette décision, survenue après 144 heures de garde à vue à la Brigade Économique et Financière (BEF), marque un tournant dramatique pour cet économiste charismatique, dont l’ascension fulgurante s’est heurtée à des accusations de corruption. Loin de n’être qu’un fait divers judiciaire, cette affaire soulève des interrogations brûlantes sur la moralité publique et les arcanes du pouvoir.
Du rêve politique à la chute : la chute de Richard Boni Ouorou
Richard Boni Ouorou, figure émergente de la scène politique, s’était imposé comme un héraut des libertés publiques à travers son mouvement Le Libéral, officiellement reconnu le 28 avril 2025 après un parcours administratif semé d’embûches. Ce parti, prônant une gouvernance réformiste et inclusive, ambitionnait de bousculer les clivages traditionnels à l’approche des élections générales de 2026.
LA SUITE APRÈS LA PUBLICITÉ
Pourtant, c’est dans l’ombre des démarches pour obtenir ce récépissé provisoire que l’orage s’est formé. Selon le procureur spécial de la CRIET, Mario Mètonou, Ouorou aurait versé sept millions de francs CFA en trois tranches à un cadre du ministère de l’Intérieur pour accélérer la validation de son parti, un acte qualifié de « corruption active ». Le directeur des partis politiques, impliqué aux côtés d’un autre fonctionnaire, admet avoir reçu cinq millions, une somme saisie lors d’une perquisition, révélant des versions discordantes qui alimentent la controverse.
Enquête et accusations : une tempête judiciaire aux échos multiples
L’enquête, déclenchée le 13 mai 2025 après des signalements au ministère de l’Intérieur, a conduit à l’interpellation d’Ouorou et de ses coaccusés le 15 mai, dans une opération musclée au siège du parti à Abomey-Calavi. Des perquisitions au domicile et aux bureaux du leader ont suivi, tandis que la BEF scrutait des flux financiers suspects. Le Haut-Commissariat à la Prévention de la Corruption (HCPC) a dénoncé un « affront à l’intégrité publique », soulignant que de tels actes ébranlent la confiance dans les institutions. De plus, la peine encourue, selon le code pénal béninois, oscille entre cinq et dix ans de réclusion criminelle, assortie de sanctions financières, un verdict qui pourrait sceller l’avenir politique d’Ouorou.
Le libéral en survie : un homme sous pression, un idéal en suspense
« Il essaie de tenir », a confié Me Ysaine Yovogan, membre du collectif de défense, dépeignant un Ouorou résilient mais éprouvé par six jours de garde à vue. Économiste formé à HEC Abidjan et à l’Université de Montréal, cet activiste de 49 ans, connu pour ses critiques acerbes de la gouvernance Talon, avait su galvaniser les foules, notamment dans le septentrion, par son discours sur l’éducation et la responsabilité citoyenne. Son ouvrage Projet pour un Bénin démocratique et ses tournées auprès des chefs coutumiers avaient forgé son image de réformateur. Pourtant, cette arrestation, relayée avec fracas sur les réseaux sociaux, fracture son aura. Si le secrétaire général du parti appelle au calme, des voix s’élèvent, certaines dénonçant une justice sélective, d’autres une « béninoiserie » où la corruption serait une pratique endémique tolérée jusqu’à ce qu’elle serve des agendas politiques.
Affaire Ouorou : un miroir tendu à la nation béninoise
Cette affaire transcende le destin d’un homme. Elle met à nu les fragilités d’un système où l’obtention d’un simple récépissé peut devenir un terrain de tractations opaques. Les réactions sur X oscillent entre indignation et cynisme, certains saluant l’intransigeance du président Patrice Talon, d’autres y voyant une instrumentalisation de la justice pour museler une opposition naissante. Le Bénin, confronté à des défis comme le terrorisme dans le nord et les tensions sociales, ne peut se permettre une crise de confiance supplémentaire.
En conclusion, alors que Ouorou et ses coaccusés attendent leur procès, l’opinion publique retient son souffle. Cette saga judiciaire, loin d’être un épilogue, pourrait redessiner les contours de la politique béninoise. Dans l’ombre des geôles, une question persiste : le rêve libéral d’Ouorou survivra-t-il à cette tempête, ou deviendra-t-il le symbole d’une ambition brisée par les écueils d’un système qu’il jurait de réformer ?