Coïncidence ou complot ? Au moment où le Parlement béninois fonce vers une nouvelle Constitution, la principale force d’opposition s’autodétruit. Les départs en cascade chez Les Démocrates ne sentent pas le hasard, mais le sabordage piloté pour garantir un paysage politique aseptisé avant 2026. Plongée au cœur d’une manœuvre qui vise à sceller irrévocablement le verrou sur la démocratie.
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Cotonou, 5 novembre 2025 – L’opposition est-elle en train d’être démantelée de l’intérieur ? Le sabordage du parti Les Démocrates (LD) arrive à point nommé pour la mouvance présidentielle. Avec la défection de six députés, la majorité obtient la minorité de blocage nécessaire pour faire adopter sa révision constitutionnelle, validée en première lecture le 3 novembre. Ce coup de théâtre, loin d’être un simple « chaos interne », consolide le « monolithe » politique du Président Patrice Talon et assure son emprise sur le pouvoir à l’approche de la présidentielle de 2026.
Une mécanique politique bien huilée
Les rouages de cette « opération chirurgicale politique » sont désormais à nu. Le calendrier des démissions, survenues alors que les partis de la mouvance (UP et BR) exigeaient un vote express, écarte la piste de la coïncidence fortuite. Les députés dissidents, comme Michel Sodjinou, justifient leur départ par un « manque de démocratie interne » – cet argument sonne faux pour de nombreux observateurs.
En effet, la question est de savoir où ces élus iront se réfugier, si ce n’est au sein des formations pro-Talon, où la loyauté est de mise. C’est pourquoi, en coulisse, la piste d’une transaction politique est privilégiée. « C’est l’alibi parfait pour masquer une transaction en sous-main », affirme un observateur politique béninois, évoquant des « stigmates d’un chantage bien rodé » impliquant des promesses de promotions ou des pressions sur les circonscriptions.
L’accélération constitutionnelle : ultime étape d’une neutralisation
Loin d’être un caprice législatif banal, cette accélération constitutionnelle est perçue comme la dernière phase d’une stratégie méthodique visant à neutraliser l’opposition. La réforme, qui prévoit notamment la création d’un Sénat et la redistribution des cartes institutionnelles sans toucher au pouvoir exécutif, s’inscrit dans une saga politique entamée bien avant les élections de 2021.
L’histoire est d’autant plus troublante que l’opposition a déjà été affaiblie par des manœuvres juridiques. Il faut rappeler que la Cour constitutionnelle a déjà écarté le parti Les Démocrates (LD) de la présidentielle de 2026, confirmant le rejet de sa candidature pour des motifs techniques jugés « légers » par les critiques.
Le parrain spirituel de LD, l’ex-président Boni Yayi, ne s’y trompe pas. Dans une déclaration tonitruante le 4 novembre, il rejette fermement la création du Sénat, qualifiant cette future chambre haute d' »institution fantoche » conçue uniquement pour « diluer toute dissidence ». Assénant que la réforme est une « farce », il dénonce l’existence d’une « campagne de débauchage » ourdie depuis des mois pour « éviscérer » son parti.
« Je ne saurais en aucun cas faire partie de cette farce », a-t-il déclaré, fustigeant une « campagne de débauchage » menée depuis des mois.
Le timing qui dérange : l’accusation de manipulation de certain membre d’opposition
Les faits crient à la manipulation, et le timing est éloquent. La vague de démissions, soit plus de six députés en une semaine, survient en pleine polémique. L’ancien candidat Daniel Edah a interpellé le Chef de l’État dans une lettre ouverte du 1ᵉʳ novembre, qualifiant la révision constitutionnelle d' »inopportune » et destinée à servir « un régime en quête d’immortalité politique ».
M. Edah va plus loin en interpellant directement les transfuges : il les accuse de trahir non seulement leur parti, Les Démocrates (LD), mais « l’essence même de l’alternance » chérie par le Bénin depuis 1991.
Pourquoi une telle précipitation dans le démantèlement ? La réponse est stratégique : l’existence d’un candidat LD de la trempe de Reckya Madougou (actuellement en prison) ou d’un « Yayi-bis » représente la seule menace sérieuse pour le Président Patrice Talon. Fort de réformes économiques controversées, le chef de l’État cherche manifestement à s’assurer un paysage politique aseptisé. Sans le parti LD, la mouvance présidentielle verrouillerait l’accès aux budgets, les nominations locales et, surtout, l’accès aux urnes pour 2026.
Déni officiel contre-preuves de la stratégie du sabordage de l’opposition
Le parti au pouvoir balaye ces soupçons d’un revers de main, mais les faits s’accumulent. Par la voix de ses porte-parole, la majorité martèle qu’il s’agit d' »une affaire interne à LD, point final », ignorant le timing « opportun » de ces défections.
Pourtant, cette crise s’inscrit dans un schéma récurrent de neutralisation. Depuis 2019, le régime a durci les mécanismes de la charte des partis, alourdi le parrainage présidentiel, et muselé plusieurs médias d’opposition. Par conséquent, le parti Les Démocrates (LD) se retrouve exsangue.
Malgré un communiqué du 2 novembre réaffirmant son unité, LD voit ses prochaines échéances (communales et législatives) déjà hypothéquées. Pour de nombreux analystes, cette prétendue « affaire interne » n’est que de la « poudre aux yeux » : un théâtre où les acteurs démissionnaires, jouant les victimes, endossent en réalité le rôle de complices d’une manœuvre politique.
Plus qu’une crise, la montée de l’autoritarisme
Cette saga dépasse la simple crise partisane ; elle est le révélateur d’un autoritarisme rampant. Le pouvoir utilise le débauchage comme une lame empoisonnée pour anesthésier toute contestation. Les démissions ne sont pas un suicide collectif, mais un assassinat commandité de l’opposition.
Si Les Démocrates (LD) s’effondrent, ce n’est pas par faiblesse intrinsèque. C’est parce que le Président Talon et sa cour ont tout orchestré pour que l’opposition ne soit plus qu’un écho lointain dans le paysage politique.
À l’approche de 2026, la question n’est plus « qui affrontera le président ? », mais plutôt : « Où est passée la démocratie que nous promettaient ces révisions constitutionnelles ? » Le temps presse pour une mobilisation citoyenne : il faut agir avant que le verrou ne scelle pour de bon l’alternance.
