Grand-Popo/Bénin, 3 février 2025 – Sur les rives du Mono, fleuve frontière entre le Bénin et le Togo, une symphonie d’espoirs s’est élevée jeudi dernier avec le lancement officiel de l’Initiative Régionale pour l’Eau et l’Environnement (IREE-Mono). en effet , ce projet, nourri par un financement de 5 millions USD du Fonds pour l’Environnement Mondial (FEM), aspire à réconcilier écologie et économie, tout en tissant une coopération transfrontalière inédite. Un pari audacieux pour ce bassin fluvial, longtemps témoin silencieux de défis climatiques et de rivalités territoriales.
Une cérémonie sous le signe de l’écosystème diplomatique
En présence des préfets, ministres et représentants de la société civile des deux nations, le lancement a transcendé les protocoles habituels. Le Préfet du Mono, en ouverture, a salué une « alliance contre la fatalité », rendant ainsi hommage aux partenaires techniques et aux communautés locales, « gardiennes oubliées des eaux ». Par ailleurs, le Directeur Exécutif de l’Autorité du Bassin du Mono (MBA) a, quant à lui, comparé le projet à « un baobab dont les racines doivent puiser dans l’intelligence collective », insistant sur l’urgence d’une gouvernance transaquatique, néologisme désignant une gestion unifiée des ressources hydriques par-delà les frontières.
En plus, l’UICN, bras technique de l’initiative, a promis de « fertiliser les dialogues » via des approches inclusives, tandis que le Togo a plaidé pour un « partage équitable des pluies et des responsabilités ». Du côté béninois, le Secrétaire Général du Ministère des Eaux et des Mines a martelé : « Ce fleuve n’est pas une frontière, mais un cordon ombilical. » « Protéger sa biodiversité, c’est préserver notre ADN commun. »
Trois piliers pour une renaissance bleu-vert
D’ailleurs, structuré en trois volets, le projet combine pragmatisme et ambition.
1. L’évaluation et la planification : une Analyse Diagnostique Transfrontalière (ADT) cartographiera les enjeux écologiques et économiques, suivie d’un Plan d’Action Stratégique (PAS) visant à transformer le bassin en « laboratoire de résilience climatique ».
2. Le renforcement des capacités : les comités locaux de l’eau, souvent marginalisés, seront érigés en « sentinelles des aquifères », formés aux techniques de gestion intégrée.
3. La gestion des connaissances : une plateforme de données ouvertes servira de « vigie numérique », permettant un suivi en temps réel des ressources et des pollutions.
En parallèle, des initiatives pilotes de restauration de mangroves, d’agriculture climato-intelligente agiront comme « leviers de preuve » pour démontrer l’impact d’une écologie appliquée.
Un financement sous tension géopolitique
Bien que porté par le FEM, l’IREE-Mono devra naviguer entre les écueils bureaucratiques et les attentes divergentes. La première réunion du Comité de Pilotage Régional, tenue les 27 et 28 janvier, a révélé des frictions sur l’allocation des fonds. Certains membres ont plaidé pour un « budget carbone » priorisant les zones les plus érodées, tandis que d’autres ont défendu des investissements dans l’aquaculture communautaire.
L’Observatoire du Sahara et du Sahel (OSS) et le Partenariat Mondial de l’Eau (GWP-AO), co-exécuteurs, devront incarner des médiateurs techniques. « Sans une transparence absolue, ce projet deviendra un miroir aux alouettes », avertit un délégué togolais sous anonymat.
L’ombre portée des défis
Si les discours célèbrent une « nouvelle ère hydro-diplomatique », les obstacles restent tangibles. Les conflits d’usage entre agriculteurs et pêcheurs, la pression des industries extractives et la méfiance historique entre villages frontaliers menacent l’édifice. « Le vrai test sera de faire germer la confiance avant les arbres », confie une représentante d’une ONG locale.
Les quatre ans alloués au projet semblent un sprint face à l’urgence climatique. Pourtant, comme le rappelle un expert de l’UICN : « Les fleuves ignorent les calendriers politiques. » « Seuls comptent les cycles de l’eau… et de la patience. »
Le Mono, miroir de l’Afrique de demain ?
En somme, l’IREE-Mono incarne plus qu’un projet environnemental : un laboratoire de cohésion régionale. En reliant restauration écologique et justice sociale, il pourrait aussi inspirer d’autres bassins transfrontaliers du continent, où 90 % des ressources en eau sont partagées entre États. Cette « solidarité pour l’eau » saura-t-elle résister aux sécheresses politiques et aux inondations bureaucratiques ?