Alors que le Bénin aspire à hisser son drapeau dans l’arène numérique africaine, un coup de semonce réglementaire vient de fissurer le paysage des télécoms. En effet, l’Autorité de régulation des communications électroniques et de la poste (ARCEP-Bénin) a infligé, le 15 janvier dernier, une amende cinglante de 1,5 milliard de FCFA à Moov Africa Bénin SA. Motif : un maillage défaillant de ses réseaux 3G et 4G, laissant des pans entiers du territoire en proie à une connectivité fantôme. Une sanction qui sonne comme un réquisitoire contre les promesses non tenues.
Moov Africa Bénin : un cahier des charges en lambeaux
Dès 2020, Moov Africa s’était engagé à tisser une toile 3G sur l’ensemble du territoire, suivie d’une couverture 4G en 2021, des échéances inscrites dans l’article 42 de son cahier des charges. Mais les audits de l’ARCEP, menés en 2021 puis en 2023, ont révélé un désert numérique persistant. Sur 526 arrondissements contrôlés, seuls 17 affichaient une 3G viable et 16 une 4G fonctionnelle. Pis, les principaux axes routiers de Cotonou à Malanville ou de Parakou à Djougou naviguaient dans un noir électronique, privant voyageurs et riverains de tout signal digne de ce nom.
Mise en demeure, mise en échec
Malgré un ultimatum de 12 mois lancé en 2022, le récent audit (août-novembre 2023) a confirmé l’inertie opérationnelle de l’opérateur. Aucun des 10 axes routiers stratégiques, artères économiques du pays, ne répondait aux normes. Pire : sur 99 arrondissements réexaminés, zéro conformité fut enregistrée, selon le rapport. Un constat accablant qui a poussé l’ARCEP à actionner le levier financier : 1,5 % du chiffre d’affaires 2023 de Moov, soit 1 506 290 505 FCFA, devront abonder le Trésor public sous 60 jours.
Double peine, double défi
Outre l’amende, l’opérateur se voit accorder un sursis connecté de 12 mois pour combler ses lacunes. L’article 3 de la décision n°2025-012/ARCEP/PT/SE/DJPC/GU acte cette dernière chance, sous peine de sanctions aggravées. Pour Moov, l’enjeu est désormais de sortir d’une spirale de défiance, dans un marché où son concurrent historique, MTN, domine sans partage.
Les zones grises du progrès
Cette sanction, la plus lourde jamais imposée dans le secteur au Bénin, interroge au-delà du cas Moov. Elle révèle les angles morts d’une transition numérique souvent célébrée à coups de communiqués triomphants. « Comment expliquer qu’en 2025, des villes comme Porga ou Kpédékpo restent des zones blanches ? », s’insurge une utilisatrice sur les réseaux sociaux. L’ARCEP, quant à elle, campe sur sa ligne : « La couverture universelle n’est pas négociable », assène un porte-parole, rappelant que le droit à la connectivité est un droit citoyen.
Si certains saluent une régulation enfin musclée, d’autres dénoncent un écran de fumée dans un pays où seuls 48 % de la population ont accès à internet. Pour Kévin Adjahouin, analyste en politiques technologiques, « cette amende doit être un électrochoc pour tout le secteur ». « Le Bénin ne peut être à la fois un hub d’innovation et un territoire en quarantaine numérique. »
Alors que Moov Africa mijote sans doute son plan de rattrapage, les Béninois, eux, attendent une seule chose : que leurs barres de réseau cessent de ressembler à des fantômes. L’histoire dira si cette sanction marque un tournant… ou reste un épisode de plus dans une saga de promesses en pixellisation.