Dans les méandres de la gouvernance locale béninoise, un coup de théâtre vient d’ébranler la municipalité d’Abomey-Calavi, cité tentaculaire de l’Atlantique. Gilbert Sètondji Boco, chef d’arrondissement de Glo-Djigbé, s’est vu frappé d’une suspension par le maire, Angelo Ahouandjinou, une décision qui résonne comme un écho assourdissant dans les corridors du pouvoir communal. L’origine de cette disgrâce est des propos jugés irrévérencieux à l’encontre du gouvernement de Patrice Talon, exprimés dans l’intimité d’un forum WhatsApp réunissant les conseillers communaux. Ainsi, ce qui semblait n’être qu’un murmure numérique s’est mué en une tempête administrative.
Quand un forum WhatsApp devient une arène politique ?
L’affaire, révélée au grand jour en ce début mars 2025, illustre une tension palpable entre liberté d’expression et discipline institutionnelle. Selon les informations recueillies, les critiques de Boco, loin d’être anodines, portaient sur des choix politiques du régime en place, des mots que le maire a estimés incompatibles avec la loyauté attendue d’un chef d’arrondissement. Cette sanction, prompte et sans ambages, traduit une volonté de faire taire toute dissonance au sein d’une commune stratégique, voisine de Cotonou et théâtre d’ambitieux projets comme la Zone Économique Spéciale de Glo-Djigbé. L’ironie n’échappe à personne : dans un arrondissement symbole de modernité et de développement, un homme est mis à l’écart pour avoir osé élever la voix.
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Glo-Djigbé : Liberté d’expression ou discipline institutionnelle ?
Abomey-Calavi, avec ses neuf arrondissements et sa population foisonnante, n’est pas étrangère aux remous politiques. La commune, dirigée par Angelo Ahouandjinou depuis plusieurs années, s’est souvent trouvée au carrefour des dynamiques nationales, oscillant entre soutien au pouvoir central et velléités d’autonomie locale. La suspension de Gilbert Sètondji Boco s’inscrit dans un contexte plus large où la critique, même formulée dans un cadre semi-privé, devient un luxe périlleux. Sur les réseaux sociaux, les réactions fusent : certains y voient une dérive autoritaire, une « gblocratie » – néologisme mordant pour désigner une gouvernance par l’intimidation – tandis que d’autres saluent une mesure nécessaire pour préserver l’unité municipale.
Glo-Djigbé : symbole de modernité, théâtre de luttes intestines
Les faits, tels que rapportés, ne laissent guère place au doute. Le chef d’arrondissement, figure de proximité censée incarner l’autorité au plus près des citoyens, aurait franchi une ligne invisible en s’aventurant sur le terrain glissant de la contestation. Le forum WhatsApp, espace de débat entre conseillers, s’est transformé en une arène où les mots ont acquis une portée inattendue. Suspendu pour une durée indéterminée, Boco voit son avenir administratif suspendu à un fil, tandis que son cas soulève une interrogation lancinante : jusqu’où la loyauté doit-elle museler la conscience ?
La parole, une flamme qui éclaire et consume
Pourtant, au-delà de la sanction, c’est une parabole sur le pouvoir qui se dessine. Glo-Djigbé, arrondissement en pleine métamorphose grâce à son rôle dans la Zone Économique Spéciale, incarne les promesses d’un Bénin tourné vers le progrès. Mais cette affaire rappelle que le développement, aussi éclatant soit-il, ne saurait occulter les luttes intestines qui agitent ses fondations. Le maire, en choisissant la fermeté, envoie un message limpide à ses subordonnés : l’harmonie institutionnelle prime sur les épanchements individuels. Reste à savoir si cette fermeté apaisera les esprits ou, au contraire, attisera les braises d’un mécontentement latent.
Et tandis que le soleil se couche sur les terres d’Abomey-Calavi, une vérité se fait jour, douce-amère et universelle : dans le théâtre des hommes, la parole est une flamme qui réchauffe autant qu’elle consume. Gilbert Sètondji Boco, en l’allumant, a peut-être perdu son siège, mais il a rallumé une question essentielle : à quel prix la liberté se paye-t-elle, lorsque les murs, même numériques, ont des oreilles ?