Nigeria : Wole Soyinka privé de visa américain

Wole Soyinka interdit de séjour aux États-Unis : le Nobel nigérian transforme la sanction en déclaration de liberté. Une pirouette magistrale.

 

Lagos, 29 octobre 2025 – À 91 ans, Wole Soyinka n’a rien perdu de sa verve. Le géant de la littérature africaine, premier lauréat noir du Nobel en 1986, a accueilli avec un sourire en coin la nouvelle de l’annulation de son visa américain. La décision, brutale et sans appel, lui a été signifiée par le consulat des États-Unis à Lagos. En conséquence, elle lui interdit désormais de fouler le sol américain. Loin de s’en émouvoir, cependant, l’écrivain a tourné la mesure en dérision, qualifiant la notification d’« épître amoureuse un peu bizarre » et lançant, non sans ironie : « Ne vous fatiguez pas, je suis persona non grata là-bas. »

 

Une révocation symbolique, reflet d’un bras de fer ancien

 

Il faut dire que ce retrait n’est pas un coup de théâtre isolé. Depuis des années, Soyinka, plume acérée et conscience rebelle, dénonce la politique migratoire de l’administration Trump, qu’il assimile à une dérive autoritaire. De fait, en 2016, au lendemain de l’élection du magnat de l’immobilier, il avait incinéré sa « green card » en signe de protestation, refusant de vivre dans un pays gangrené par la xénophobie. Aujourd’hui, la révocation du visa semble ainsi clore un chapitre déjà bien entamé, sur fond de tensions persistantes.

La missive officielle, expédiée par le Département d’État, invoque une clause discrétionnaire : les autorités américaines peuvent retirer un visa « à tout moment, sans motif explicite ». On lui demande même de restituer son passeport pour y apposer la mention d’invalidité. Soyinka, qui a enseigné à Harvard et Cornell pendant des décennies, balaie l’affaire d’un revers philosophique : « Je suis ravi de cette résolution. Plus de visa, plus d’accès aux États-Unis. Point final. »

 

Des critiques qui dérangent : de la frontière à la tyrannie

 

Au cœur de ses invectives figurent les mesures anti-immigration de Trump : rafles massives, séparation des familles à la frontière sud, un traitement qu’il juge « inhumain », évoquant ainsi des « femmes âgées et des enfants cueillis comme des fruits dans la rue ». Plus mordant encore, il a osé une comparaison explosive, assimilant le président américain à Idi Amin Dada, le tyran ougandais des années 1970, surnommé le « Boucher de l’Afrique ». « Il agit en despote et devrait aussi s’en enorgueillir », avait-il lancé récemment — une pique qui pourrait bien avoir précipité la sanction.

Soyinka sait de quoi il parle. Emprisonné en 1967, puis exilé en 1994 pour avoir défié la dictature d’Abacha, il a frôlé la mort sous les juntes nigérianes. C’est pourquoi ses quelque soixante ouvrages, des drames comme A Dance of the Forests aux mémoires incisifs, tissent également une fresque de résistance contre l’oppression, du continent africain au monde. À l’heure où il boucle un demi-siècle de Nobel, il affirme n’avoir « plus rien à chercher outre-Atlantique », sauf un improbable revirement politique.

 

Wole Soyinka : une voix libre, un exil assumé

 

En définitive, pour le Nigeria et l’Afrique, cette affaire sonne comme un rappel : Soyinka reste une sentinelle de la liberté, dont les mots piquent là où ça fait mal. Bien qu’il se dise soulagé par cette « libération » forcée, il n’exclut pas pour autant un retour si les vents changent à Washington. En attendant, ses pairs et admirateurs saluent un geste qui, paradoxalement, renforce aussi son aura de dissident éternel.

Dans un tweet laconique, il a conclu : « Ceux qui m’invitent là-bas économiseront leur billet. » Cette pirouette, à elle seule, vaut un chapitre de plus dans l’épopée d’un immortel de la plume.

Présidentielle 2026 : les Démocrates réagissent à leur exclusion

À Cotonou, une délégation de parlementaires des Démocrates a exprimé ce 28 octobre sa profonde déception après l’exclusion de leur parti pour la présidentielle du 12 avril 2026.

 

Cotonou, le 28 octobre 2025 –  À peine la poussière retombée sur l’invalidation de leur formation politique, une délégation de parlementaires des Démocrates (LD) a pris la parole ce mardi, exprimant une vive déception face à l’absence de leur parti au scrutin présidentiel du 12 avril 2026. Pour eux, c’est un rendez-vous manqué, une occasion avortée d’insuffler une dynamique nouvelle au pays.

Cette sortie fait écho à la décision de la Cour constitutionnelle, confirmant l’exclusion du LD, et au retrait récent de leur figure de proue, Renaud Agbodjo. Les élus n’ont pas cherché à adoucir le constat : ils pointent des dysfonctionnements internes, mais aussi des interférences extérieures qui auraient amplifié la crise.

« Nous avions vu dans cette élection un tremplin idéal pour concrétiser nos projets d’alternance et répondre aux attentes urgentes de nos citoyens », confie l’un des porte-parole, évoquant l’amertume d’un quinquennat qui s’éloigne.

 

Exclusion du LD : un message de déception, mais aussi de responsabilité

 

Loin de se cantonner à la rancœur, les députés ont réaffirmé leur attachement aux valeurs fondatrices du LD : gouvernance inclusive, justice sociale et progrès partagé. S’adressant aux deux tandems encore en lice – représentants de la majorité et challengers –, ils ont formulé un vœu clair : que les revendications essentielles de la société béninoise soient intégrées aux programmes, de la lutte contre les inégalités à la consolidation de l’État de droit.

« Que les candidats retenus gardent en tête le pouls réel de la nation, pour un mandat qui serve l’intérêt général », ont-ils insisté, dans un appel à l’humilité face aux défis collectifs.

 

Un appel à la paix dans un climat sous tension

 

Au-delà des regrets, leur intervention s’est conclue sur une note d’apaisement : un appel à la sérénité tout au long du processus électoral. Dans un contexte marqué par des exclusions successives et des tensions latentes, les parlementaires des Démocrates plaident également pour un débat civilisé, seul garant de l’harmonie nationale.

« La paix est le socle de notre démocratie ; protégeons-la pour le bien de tous les Béninois », ont-ils déclaré, invitant chaque acteur à privilégier le dialogue plutôt que la confrontation.

 

Exclusion du LD : une opposition reléguée mais vigilante

 

Cette prise de parole intervient à un moment charnière. Le Bénin, longtemps perçu comme un modèle de stabilité en Afrique de l’Ouest, navigue désormais entre réformes électorales controversées et aspirations à une alternance fluide. À deux mois du dépôt des candidatures définitives, l’absence d’une opposition structurée comme les Démocrates pourrait accentuer les clivages.

Reste à voir si cette posture mesurée portera ses fruits ou si elle restera une voix isolée dans le tumulte pré-électoral. Pour l’heure, les Démocrates, relégués au banc de touche, se recentrent sur leur rôle de vigie parlementaire, déterminés à veiller au grain d’une élection sous haute surveillance.

 

Présidentielle 2026 : Renaud Agbodjo quitte la scène politique

À six mois de la présidentielle béninoise, Renaud Agbodjo, figure montante des Démocrates, annonce son retrait de la vie politique. Ce départ fait suite à l’invalidation de la candidature de son parti, alimentant les critiques sur un processus électoral verrouillé. Dans un dernier message, il appelle à la réconciliation et interpelle Romuald Wadagni, dauphin présumé du président Talon.

 

Cotonou, le 28 octobre 2025 — Dans un tournant inattendu de la campagne pour la présidentielle d’avril 2026, Renaud Agbodjo, figure montante de l’opposition béninoise et porte-drapeau du parti Les Démocrates (LD), a annoncé ce mardi son retrait définitif de la scène politique. Une décision lourde de sens, survenue au lendemain d’un revers judiciaire majeur pour sa formation, alors que le pays s’apprête à vivre un scrutin sous haute tension, marqué par des exclusions controversées.

Lors d’une conférence de presse sobre, l’ancien candidat n’a pas seulement tourné la page sur son avenir électoral. Dans un geste inattendu, il a tendu une main au camp présidentiel, s’adressant directement au ministre d’État Romuald Wadagni, considéré comme le dauphin officieux du président Patrice Talon.

 

Une exclusion scellée, une opposition fragilisée

 

Le séisme politique s’est produit dans la nuit du 27 au 28 octobre. Saisie par des recours internes au LD, la Cour constitutionnelle a confirmé l’invalidation de la candidature du parti à l’élection suprême. Ce rejet, initialement prononcé par la Commission électorale nationale autonome (CENA) pour insuffisance de parrainages — un seuil drastique de 30 000 signatures — a été entériné malgré les plaidoyers désespérés de l’opposition.

Les Démocrates, principale force contestataire du régime Talon, se retrouvent ainsi exclus du processus électoral, alimentant les critiques dans un scrutin jugé fermé à l’opposition. Cette affaire fait suite au retrait surprise du parrainage du député, Michel Sodjinou, qui a plongé son parti dans une crise profonde, privant ainsi les électeurs d’une alternative crédible dans un paysage politique déjà appauvri.

 

Renaud Agbodjo : un retrait discret, un message fort

 

Face à cette sentence inéluctable, Agbodjo, 42 ans, avocat de formation, a choisi la voie de la discrétion plutôt que celle de la confrontation.

« J’ai longuement pesé le pour et le contre, et je ressens qu’il est venu le moment de marquer une halte », a-t-il déclaré d’une voix posée.

Il invoque un besoin de recentrage personnel, loin des projecteurs et des arènes publiques. Désormais, il entend consacrer son énergie à sa famille, à son cabinet juridique et à son entourage proche. Ce retrait, qu’il qualifie de temporaire sans en préciser la durée, sonne comme un adieu provisoire à une carrière politique fulgurante, marquée par une ascension rapide au sein des Démocrates depuis 2021.

 

Renaud Agbodjo : un appel à la réconciliation

 

Mais Agbodjo n’a pas quitté la scène sans adresser un dernier message à l’avenir du pays. S’adressant aux candidats validés pour le 12 avril prochain — une liste dominée par la mouvance présidentielle — il a, par ailleurs, réservé un passage poignant au plus jeune d’entre eux, Romuald Wadagni, actuel ministre de l’Économie et des Finances.

Conscient de ses compétences, qu’il juge évidentes, l’ex-opposant lui demande de jouer un rôle clé pour l’avenir du pays :

« Si la victoire vous sourit, engagez-vous pleinement à rassembler toutes les voix autour d’une même table, pour une réconciliation authentique et profonde », a-t-il imploré, évoquant les aspirations du peuple béninois à la liberté et à l’équité sociale.

 

Une démocratie sous tension

 

Ce plaidoyer intervient dans un contexte politique tendu. Depuis l’arrivée au pouvoir de Patrice Talon en 2016, le Bénin a connu une série de réformes électorales censées assainir le processus, mais souvent accusées de renforcer l’hégémonie présidentielle. L’exclusion des Démocrates s’ajoute à celle d’autres figures de l’opposition, comme Reckya Madougou et Joël Aïvo, condamnés dans des affaires de terrorisme présumées liées à des manifestations.

Avec une participation déjà hypothéquée par ces absences, l’appel d’Agbodjo pourrait rester sans effet… ou au contraire, ouvrir la voie à un dialogue dans un pays divisé.

 

Un vide, une promesse

 

En se retirant, Renaud Agbodjo laisse un vide dans l’opposition. Mais son message d’apaisement, porté par une posture de maturité, pourrait inspirer une nouvelle génération politique. À six mois du scrutin, le Bénin se trouve à un carrefour : celui d’une élection sous contrôle ou d’un sursaut vers une démocratie plus inclusive.

Wadagni, et ses pairs, sauront-ils entendre cet écho discret ? L’Histoire, souvent impitoyable, le dira bientôt.

 

 

Le Bénin, dernier front de Kémi Séba

À six mois de la présidentielle de 2026, l’activiste panafricaniste Kémi Séba recentre son combat sur le Bénin, sa terre natale. Dans une déclaration virulente, il accuse le pouvoir de verrouillage démocratique et promet de harceler le régime jusqu’à l’échéance électorale. 

 

Cotonou, 28 octobre 2025 – Figure emblématique de la lutte anticoloniale en Afrique et dans la diaspora, l’activiste Kémi Séba franchit un cap décisif : il désigne désormais le Bénin comme le théâtre principal de son engagement politique. Dans une déclaration percutante diffusée sur les réseaux sociaux, il annonce son intention de concentrer ses efforts sur la contestation du régime en place, qu’il accuse de réprimer l’opposition et de perpétuer une forme modernisée de domination française.

 

Kémi Séba : une posture enracinée dans la cohérence morale

 

Connu pour ses mobilisations contre le néocolonialisme à travers le continent, Séba aurait pu continuer à œuvrer sur les fronts internationaux où son empreinte est déjà indélébile. Pourtant, Kémi Séba, profondément attaché à ses racines béninoises, refuse d’ignorer les tensions qui traversent son pays d’origine.

« Je ne pourrais pas dormir tranquille en ignorant les atteintes portées à mes compatriotes ici, au cœur de la patrie », confie-t-il.

Pour lui, dénoncer les discriminations subies par les Africains à l’étranger tout en fermant les yeux sur celles qui gangrènent l’intérieur du pays relèverait de la trahison. Cette cohérence morale, revendiquée avec force, guide son virage stratégique.

 

Une gouvernance sous feu critique

 

Au cœur de son réquisitoire : une gouvernance qu’il qualifie d’exclusive et répressive, particulièrement depuis 2019. Selon lui, le pouvoir en place verrouille l’accès aux urnes, emprisonne ou pousse à l’exil les voix dissidentes, et consolide les privilèges d’une élite au détriment d’une population appauvrie.
Séba assume pleinement son rôle de perturbateur, promettant ainsi  de « semer le désordre » dans ce qu’il décrit comme un système corrompu, pilier d’une « Françafrique 2.0 ».

 

Un climat politique sous tension

 

À l’approche des élections présidentielles d’avril 2026, le climat politique au Bénin s’électrise. La récente invalidation de la candidature du principal opposant par la Commission électorale alimente les craintes d’un recul démocratique sous la présidence de Patrice Talon, au pouvoir depuis 2016.
Des observateurs pointent une escalade de la répression, marquée par des restrictions croissantes des libertés d’expression et d’association, dans un pays autrefois salué pour sa vitalité démocratique.

 

Kémi Séba , entre lucidité et dénonciation

 

Loin d’ignorer les avancées en matière d’infrastructures, Séba les reconnaît avec lucidité. Mais il appelle à une enquête sur les flux financiers qui les entourent, dénonçant une austérité imposée au peuple pendant que les coulisses profitent à une minorité.

« À quoi rime une façade rutilante si elle dissimule la saignée des citoyens ? », interroge-t-il, opposant le « développement des routes » à l’asphyxie du « développement humain ».

 

Une mémoire politique convoquée

 

Pour légitimer sa posture, Séba convoque l’histoire récente. Il rappelle comment Patrice Talon, alors opposant à Yayi Boni, s’était exilé en France entre 2012 et 2015 pour orchestrer une déstabilisation depuis l’extérieur, soutenant des mouvements citoyens comme les « Mercredis Rouges ».

« Ce qu’il s’est permis jadis, nul ne peut nous interdire de le reproduire aujourd’hui contre son propre clan », assène-t-il, avec une ironie mordante.

 

Vers une refondation ou une polarisation ?

 

Ce positionnement radical, partagé par d’autres figures de la dissidence, pourrait galvaniser une opposition fragmentée et affaiblie. À quelques mois des scrutins, alors que Patrice Talon a déjà placé son dauphin Romuald Wadagni dans les rouages du pouvoir malgré les controverses, la voix de Séba résonne comme un défi lancé au pouvoir, une injonction à l’opposition de sortir de sa torpeur.

En faisant du Bénin son « ultime combat », l’activiste ne se contente pas de dénoncer : il appelle à une refondation profonde, où la souveraineté ne serait plus un slogan, mais un combat quotidien pour la dignité collective.

Entre dénonciation du néocolonialisme, mémoire politique et appel à l’unité, sa posture radicale pourrait rebattre les cartes d’une opposition fragmentée. Mais ce front de résistance suffira-t-il à réveiller une démocratie sous tension ?

Reste à savoir si cette charge frontale portera ses fruits ou si elle accentuera les tensions dans une nation à la croisée des chemins.

 

Cameroun : Biya réélu, le pays s’embrase

Au Cameroun , face à une réélection jugée illégitime, des milliers de jeunes descendent dans la rue pour réclamer transparence électorale, alternance politique et respect de la volonté populaire. Entre répression et colère, la contestation s’organise, portée par une jeunesse qui refuse de voir son avenir confisqué.

 

Yaoundé, 27 octobre 2025 – À peine la Cour constitutionnelle a-t-elle officialisé la réélection de Paul Biya pour un huitième mandat que les rues du Cameroun se sont embrasées. Avec 53,66 % des suffrages exprimés, le président sortant — doyen mondial des chefs d’État en exercice — prolonge son règne entamé il y a 42 ans. Mais cette annonce, attendue comme un couperet, a déclenché une vague de colère : manifestations violemment réprimées sur toute l’étendue du territoire camerounais et des accusations de fraude qui résonnent jusqu’aux chancelleries internationales.

Au Cameroun, la réélection contestée de Paul Biya pour un huitième mandat déclenche une vague de manifestations. Entre colère populaire, répression violente et appels à la grève, une jeunesse en quête d’alternance défie un pouvoir jugé hors d’âge.

Cameroun : une victoire contestée, une opposition en ébullition

 

L’annonce est tombée ce lundi matin, dans l’enceinte feutrée du Palais des Congrès de Yaoundé, contrastant avec la tension qui secoue le pays. Paul Biya, absent de la campagne pour raisons de santé, l’emporte devant Issa Tchiroma Bakary, ancien ministre et principal challenger, crédité de 35,19 % des voix. D’ailleurs, ce dernier dénonce une « mascarade électorale » et affirme détenir des preuves d’un décompte qui lui aurait donné 54,8 % des suffrages. Ses recours, déposés auprès de la Cour suprême, ont été rejetés en bloc, attisant davantage la colère populaire.

Sur les réseaux sociaux, les images affluent : gaz lacrymogènes dans les rues de Douala, affrontements à Garoua, barricades improvisées, pneus en feu. Le bilan provisoire fait état de quatre civils tués par balles, selon des sources hospitalières et des ONG locales. Des dizaines d’arrestations ont été recensées.

« Nous ne tolérerons pas ce hold-up sur la volonté populaire« , martèle un porte-parole de la coalition d’opposition. Maurice Kamto, leader du MRC, appelle à une « grève générale illimitée ».

Un scrutin sous tension, dans un pays fracturé

 

Cette élection, la septième sous l’ère Biya, s’est déroulée dans un climat délétère. La crise anglophone, toujours active depuis 2016, a empêché des millions d’électeurs de voter librement. Par ailleurs, l’opposition, fragmentée en 14 candidatures, a vu plusieurs figures pro-démocratie interdites de se présenter. Les observateurs internationaux ont relevé de nombreux dysfonctionnements : bureaux de vote fermés prématurément, listes électorales gonflées, participation officielle de 52 % jugée peu crédible.

Les manifestations, latentes depuis le 13 octobre, ont explosé après l’annonce de la victoire de Biya. À Douala, des jeunes ont brandi des pancartes « Biya dehors ! » et « Démocratie ou rien », avant d’être dispersés par des canons à eau et des grenades assourdissantes. Sur X (ex-Twitter), des vidéos amateurs montrent aussi des charges policières brutales.

« À 92 ans, il ne peut plus gouverner ; c’est un régime fantôme qui nous étouffe« , témoigne une manifestante jointe par téléphone, la voix tremblante.

Réactions internationales et inquiétudes régionales

 

La communauté internationale réagit avec prudence. L’Union africaine salue « le bon déroulement global » tout en appelant au dialogue. L’Union européenne et les États-Unis dénoncent des « irrégularités substantielles » et exigent une enquête indépendante. Paris, allié historique de Yaoundé, se contente d’un communiqué laconique : « La France respecte le choix du peuple camerounais. »

Mais sur le terrain, les tensions pourraient s’étendre. La crise anglophone, déjà responsable de plus de 6 000 morts, menace de s’embraser si les troubles gagnent également les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Le régime, lui, durcit le ton : censure des médias, ralentissement d’internet dans les zones sensibles, et discours officiel minimisant les violences.

 

Cameroun : un pays à bout de souffle

 

Ce bras de fer post-électoral dépasse la simple querelle de chiffres. Il cristallise des décennies de frustrations : pauvreté persistante, corruption endémique, et un président perçu comme un vestige de la guerre froide. Biya, au pouvoir depuis 1982, incarne une longévité politique hors norme, mais interroge la vitalité d’une nation de 28 millions d’habitants.

Alors que les fumées se dissipent à Douala, une question demeure : cette étincelle allumera-t-elle un incendie généralisé, ou le Cameroun retombera-t-il dans un silence résigné ? Les prochains jours diront si le « Lion indomptable » peut encore rugir face à une jeunesse qui refuse la cage. Pour l’heure, le pays retient son souffle — entre espoir de changement et spectre de la répression.

 

Cameroun : À 92 ans, Paul Biya réélu « pour l’éternité »

À 92 ans, Paul Biya décroche un huitième mandat dans un scrutin contesté, validé sans surprise par une Cour constitutionnelle fidèle au pouvoir. Une réélection qui illustre les dérives institutionnelles d’une démocratie verrouillée.

Yaoundé, 27 octobre 2025 – En Afrique francophone, la démocratie semble avoir adopté le principe des prolongations illimitées. Les présidents y défient les urnes, les calendriers… et parfois même la biologie. Dernier épisode en date : la Cour constitutionnelle camerounaise a validé, sans surprise, la réélection de Paul Biya pour un huitième mandat. À 92 ans, le « pharaon d’Étoudi » ne détonne plus : il incarne une forme de résilience institutionnalisée, où l’État prend des allures d’hospice géré par un conseil d’administration éternel.

 

Paul Biya : une victoire sans suspense

 

Le scénario est désormais bien rodé. Le 12 octobre, Paul Biya récolte 53,66 % des suffrages. Face à lui, une opposition fragmentée, menée par l’ancien ministre Issa Tchiroma Bakary, qui obtient 35,19 % — un score qui, dans un autre contexte, aurait pu ressembler à une percée. Mais ici, il tient lieu de lot de consolation. La Cour constitutionnelle, fidèle à sa réputation, balaie d’un revers de main les recours pour fraude, les pétitions sur l’inéligibilité liée à l’âge, et les soupçons d’irrégularités qui ont enflammé Douala et Garoua. Résultat : Biya, inchangé, inaltérable, réinvesti. La science politique camerounaise, une fois encore, défie les lois de la gravité démocratique.

 

Élections au Cameroun : une mécanique électorale sans surprise

 

Derrière l’ironie, une mécanique bien huilée. Les élections de 2025 ne sont qu’un remake des précédentes : bureaux de vote fantômes, bulletins préremplis, opposants tolérés pour la forme, puis relégués au rang de figurants. Maurice Kamto, Cabral Libii… les noms changent, le scénario reste. À la baguette, Clément Atangana, président de la Cour constitutionnelle, dont la proximité avec le pouvoir n’est plus un secret. Arbitre ? Non. Chef d’orchestre d’une symphonie où toute dissonance est soigneusement étouffée.

 

Paul Biya : Quand la longévité politique défie la démocratie

 

À 92 ans, Paul Biya pourrait prétendre au panthéon de la longévité politique, aux côtés de Fidel Castro ou de la reine Elizabeth. Mais là où d’autres démocraties fixent des limites, le Cameroun les efface. Une requête pour inéligibilité liée à l’âge ? Rejetée en août, comme un importun au bal des anciens. Le président gouverne désormais par inertie, dans un pays miné par une crise anglophone persistante, une économie en panne et une jeunesse en quête d’exil. La Constitution, devenue parchemin malléable, cède à toutes les torsions. La démocratie, elle, flirte avec le vaudeville.

 

Un syndrome francophone bien rodé

 

Le Cameroun n’est pas une exception, mais un maillon d’un système plus vaste. La Côte d’Ivoire d’Alassane Ouattara, le Congo-Brazzaville de Denis Sassou-Nguesso, le Togo de Faure Gnassingbé… Partout, les cours constitutionnelles ne jugent pas : elles entérinent. La fraude électorale n’est plus un scandale, mais un rituel. Une chorégraphie bien huilée où les urnes servent de décor à des successions dynastiques.

 

Une crédibilité en lambeaux

 

Cette répétition du même schéma mine la crédibilité du continent sur la scène internationale. L’Occident, prompt à prêcher les « valeurs démocratiques », détourne le regard tant que les contrats miniers tiennent et les bases militaires restent ouvertes. Résultat : l’Afrique se caricature elle-même, continent de promesses étouffées par des élites qui confondent État et patrimoine personnel. La validation de Biya n’est pas qu’un fait divers politique : c’est un message adressé à toute une génération de réformateurs. « Patience, votre tour viendra… en 2060, peut-être. »

 

Paul Biya : la normalisation de l’absurde

 

La Cour camerounaise n’a pas déclaré Biya « non aberrant » : elle a simplement confirmé que, dans certaines républiques, l’aberration est devenue la norme. Tant que les institutions judiciaires danseront au rythme des présidents à vie, l’Afrique francophone continuera d’offrir au monde des sketches dignes d’un Monty Python tropical. Reste à savoir si une nouvelle génération, lassée du spectacle, saura enfin réécrire le scénario. Sinon, rendez-vous en 2030. Ou en l’an 3000. Le monde, lui, retient son souffle… d’ennui.

 

Bénin : l’eau potable rurale progresse, entre innovation et équité

Le gouvernement béninois réaffirme son engagement en faveur de l’accès universel à l’eau potable en milieu rural. À travers son rapport semestriel 2025, il présente des avancées concrètes en matière d’infrastructures, de gouvernance locale et d’innovation, consolidant ainsi les bases d’un service public durable et équitable.

Cotonou, 27 octobre 2025 – Le Bénin poursuit sa marche vers l’accès universel à l’eau potable en milieu rural. En effet , à travers la quatorzième édition de son rapport semestriel, couvrant la période de janvier à juin 2025, les autorités dressent un bilan encourageant, porté par une dynamique d’investissement et de modernisation des infrastructures hydrauliques. Ce document stratégique met en lumière les avancées concrètes d’un secteur clé pour le bien-être des populations et la réalisation des Objectifs de Développement Durable.

Un cap résolument tourné vers l’innovation

 

Le rapport souligne l’accélération du déploiement d’infrastructures hydrauliques innovantes, conçues pour répondre aux réalités locales. En plus, l’ambition est manifeste : rendre les systèmes d’approvisionnement en eau potable (AEP) plus résilients, plus durables et mieux adaptés aux besoins croissants des communautés rurales. Au-delà de la construction, les autorités misent aussi sur une approche intégrée, combinant technologie, gouvernance et participation citoyenne.

 

Trois axes pour une gestion durable de l’eau potable

 

Par ailleurs, le semestre écoulé s’articule autour de trois priorités :

  • Renforcement de la gestion locale : des formations ciblées ont été dispensées aux comités de gestion, accompagnées de campagnes de sensibilisation et de partenariats avec des ONG pour assurer une maintenance proactive. Objectif : réduire les interruptions de service et favoriser une appropriation communautaire des ouvrages.
  • Livraison d’infrastructures clés : douze nouveaux systèmes d’AEP ont été finalisés dans les départements du Borgou, de l’Alibori et de l’Atlantique. Parmi les sites emblématiques :
    • Kalalé et Bembéréké (Borgou) : quatre SAEPmV pour les zones villageoises et périurbaines.
    • Tchaourou (Donga) : un SAEPmV adapté aux besoins locaux.
    • Ségbana, Malanville et Banikoara (Alibori) : six systèmes, dont un innovant pour les défis climatiques du nord.
    • Toffo (Atlantique) : un SAEP pour renforcer l’approvisionnement dans le sud.

Ces ouvrages, équipés de pompes efficientes et de technologies solaires, offrent une eau de qualité à moindre coût, avec une capacité renforcée pour les périodes de forte demande.

  • Indicateurs en nette amélioration : le taux de desserte progresse dans les zones ciblées, tandis que les pannes annuelles diminuent grâce à une veille technique renforcée. Le rapport met aussi en avant l’introduction de branchements domestiques subventionnés, qui transforment l’accès collectif en service continu et hygiénique.

Une ambition régionale affirmée

 

Au-delà du bilan, le rapport trace les perspectives pour les mois à venir. Le Bénin se positionne comme un acteur régional de référence dans la gestion de l’eau rurale, tout en appelant à une mobilisation accrue des partenaires internationaux pour relever les défis climatiques et financiers. Pour les communautés concernées, ces avancées représentent bien plus qu’un accès à l’eau : elles incarnent également un levier de développement, d’éducation et de dignité.

Le prochain rapport, attendu en avril 2026, permettra aussi de mesurer la consolidation de cette dynamique. En attendant, les fontaines récemment inaugurées coulent déjà comme autant de symboles d’un progrès tangible.

Glo-Djigbé : Deux employés surpris en train de dérober des câbles

Glo-Djigbé, 24 octobre 2025 – Un coup de filet express a mis fin, mardi soir, à une tentative audacieuse de vol au cœur du poumon industriel béninois. Deux agents chargés du ramassage des déchets ont été interpellés en flagrant délit dans l’enceinte de la Zone Industrielle de Glo-Djigbé (GDIZ), alors qu’ils tentaient d’exfiltrer une cargaison de câbles en cuivre, matériau hautement convoité sur le marché noir. L’incident met en lumière les failles persistantes de ce site stratégique, malgré les efforts constants de sécurisation.

 

Glo-Djigbé  : une opération rodée… qui déraille à la tombée de la nuit

 

Les faits se sont déroulés sous un ciel maussade de mi-octobre. Dès 14 heures, les deux suspects, profitant de leur fonction au sein des équipes de propreté, ont entrepris de sectionner près de 35 mètres de câbles, soigneusement dissimulés dans les recoins des installations. Pour maquiller leur forfait, ils ont enfoui le butin au fond d’un sac rempli de déchets ménagers, espérant franchir les contrôles sans éveiller les soupçons.

Leur plan prévoyait un retour discret en soirée pour récupérer la marchandise. Mais à 18 heures, leur scénario s’est effondré. Une ronde conjointe, composée de vigiles internes et de policiers du commissariat dédié, les a surpris en pleine tentative d’extraction. Pris la main dans le sac – au sens propre – les deux individus ont immédiatement reconnu les faits. « C’était notre coup d’essai », ont-ils lâché aux enquêteurs, tentant ainsi de minimiser leur acte.

 

En garde à vue : une enquête qui remonte les filières

 

Conduits au poste de police local, les deux hommes sont désormais en garde à vue, tandis que l’enquête s’élargit. Les enquêteurs s’activent pour démêler les ramifications possibles : complices internes, receleurs à Cotonou, réseaux organisés ? Rien n’est exclu. Les auditions se multiplient pour reconstituer le fil d’un vol qui pourrait n’être que la partie émergée d’un système plus vaste.

Dans un écosystème comme celui de la GDIZ, où se concentrent des usines stratégiques et des milliers d’emplois, un simple sabotage électrique peut avoir des conséquences lourdes : arrêts de production, risques techniques, pertes financières. Conscientes de ces enjeux, les autorités du site renforcent leur dispositif : caméras additionnelles, patrouilles nocturnes intensifiées, et sessions de sensibilisation pour prévenir les collusions internes.

 

Un signal d’alarme pour les zones franches africaines

 

Au-delà du préjudice matériel – estimé à plusieurs centaines de milliers de francs CFA – cet épisode soulève des questions plus larges sur la sécurité des zones économiques spéciales. La GDIZ, vitrine de l’industrialisation béninoise et aimant à capitaux étrangers, n’échappe pas aux convoitises. Le cuivre, dont la valeur ne cesse de grimper sur les marchés parallèles, attise les convoitises et expose les infrastructures à des risques croissants.

Des spécialistes appellent à une vigilance renforcée, combinant ainsi technologies de surveillance avancées et gouvernance éthique, pour préserver l’intégrité de ces pôles industriels. Car la prospérité repose sur un équilibre fragile, où chaque faille peut devenir une brèche.

 

Glo-Djigbé : vers une sécurité renforcée ?

 

Alors que les suspects attendent leur comparution, cette interpellation agit comme un électrochoc. À Glo-Djigbé, on espère qu’elle marquera le début d’une ère plus imperméable aux tentations. L’enquête, elle, promet des révélations susceptibles d’ébranler certains rouages internes. Dans ce bastion économique, la sécurité n’est plus un luxe : c’est un impératif.

 

Bénin : Talon et Boni Yayi en conciliabule discret sur le climat électoral

Cotonou, 24 octobre 2025 – Dans un rare moment de dialogue direct, le président Patrice Talon a reçu ce vendredi son prédécesseur Thomas Boni Yayi pour un tête-à-tête à huis clos, centré sur les enjeux de la présidentielle à venir. L’entretien, tenu dans la plus grande discrétion au palais de la Marina, n’a donné lieu à aucune déclaration officielle, laissant place à toutes les spéculations dans un climat politique déjà sous pression à l’approche de 2026.

 

Talon et Boni Yayi : un échange sans écho, mais lourd de sens

 

Aucune image, aucun communiqué, aucun mot de trop : les deux figures majeures de la scène béninoise ont observé un silence absolu. L’agenda présidentiel s’est contenté d’une ligne laconique confirmant la rencontre, sans en dévoiler la teneur. Une sobriété inhabituelle, qui tranche avec les pratiques de communication habituelles et alimente les interrogations sur la portée réelle de cet échange.

Selon plusieurs sources, les discussions auraient porté sur le processus électoral en cours, notamment les parrainages controversés et les réformes constitutionnelles qui divisent l’opposition. Boni Yayi, leader charismatique des Démocrates, affaiblis par des revers judiciaires récents, aurait tenté de désamorcer les tensions. Talon, souvent accusé de verrouiller le jeu démocratique, aurait saisi l’occasion pour sonder les intentions de son ancien rival, devenu interlocuteur stratégique.

 

Une opposition fragilisée, un pouvoir en veille

 

Cette rencontre intervient dans un contexte préélectoral tendu. Les Démocrates, bastion historique de l’opposition, viennent d’être écartés de la course par la CENA, qui a invalidé leur ticket présidentiel en raison d’irrégularités sur les fiches de parrainage. L’affaire Sodjinou, du nom du député ayant obtenu gain de cause contre son propre parti pour usage abusif de son soutien, illustre aussi les fractures internes qui minent la formation.

Face à cette fragilité, Talon pourrait chercher à maintenir un canal de dialogue ouvert avec Yayi, à la fois pour prévenir une coalition hostile et pour désamorcer une éventuelle fronde. Les observateurs notent que ce type de rencontre, rarissime sous ce régime, rappelle les pratiques d’un Bénin post-consensus, où les grandes manœuvres se jouent souvent en coulisses.

 

Talon et Boni Yayi : le silence comme stratégie

 

L’absence de déclaration officielle n’est pas anodine. Elle pourrait traduire un accord tacite sur des concessions mutuelles – assouplissement du système de parrainage, appel au calme – ou, au contraire, signaler une impasse. À Cotonou, les rumeurs vont bon train : certains évoquent une alliance ponctuelle entre Les Démocrates et le camp présidentiel, d’autres y voient une ultime tentative de Yayi pour relancer la contestation sans s’isoler davantage.

Quoi qu’il en soit, ce face-à-face discret marque un tournant dans la relation entre Talon et Yayi, duo antagoniste qui a façonné la Ve République béninoise. Alors que les candidatures s’affinent et que les alliances se dessinent, ce silence assourdissant appelle à la vigilance. Le Bénin, fidèle à sa tradition de transitions pacifiques, saura-t-il transformer ce murmure en harmonie électorale ? Les prochains jours, entre fuites et annonces, livreront peut-être quelques clés. En attendant, le palais reste muet, et la nation retient son souffle.

 

Affaire Sodjinou : la Cour constitutionnelle se déclare incompétente

Cotonou, 24 octobre 2025 – Coup de théâtre dans l’affaire du retrait de parrainage de Sodjinou : la Cour constitutionnelle du Bénin a déclaré, jeudi 23 octobre, son incompétence à statuer sur le litige opposant le député à son parti, Les Démocrates. En renvoyant l’affaire devant les juridictions ordinaires, elle entérine une décision antérieure favorable au parlementaire et prive, de facto, l’un des principaux partis d’opposition d’une candidature à la présidentielle.

 

Parrainage litigieux et fracture interne

 

Le différend trouve son origine dans l’inscription controversée de Michel Sodjinou comme parrain du ticket présidentiel porté par Vignilé Renaud Léandre N’doufou Agbodjo et Jude Bonaventure Lodjou. Le député affirme que son soutien a été enregistré sans son consentement, une irrégularité dénoncée devant le tribunal de Cotonou. Celui-ci lui a donné raison, annulant l’usage du document et ordonnant sa restitution.

Refusant cette décision, Les Démocrates ont saisi la Cour constitutionnelle, estimant que le litige relevait du droit électoral. Un argumentaire qui visait à contourner les tribunaux classiques et à faire passer le litige pour une question de conformité aux normes fondamentales de la démocratie béninoise.

 

Affaire Sodjinou : une ligne rouge posée par la Cour

 

Décidément, la Haute Juridiction ne partage pas l’analyse des Démocrates. Dans un arrêt rendu le 23 octobre, elle estime que le différend relève d’un désaccord interne sans portée constitutionnelle. « Ce n’est pas une contestation de validité électorale, mais un contentieux interne classique », ont résumé les sages, renvoyant l’affaire devant les juridictions de droit commun – tribunal et cour d’appel – pour un examen approfondi.

Cette décision enterre les espoirs de recours rapide du parti et confirme l’ordonnance rendue à Cotonou. Michel Sodjinou conserve son parrainage et pourrait le réorienter. Pour Les Démocrates, c’est un revers majeur : la CENA a déjà écarté le duo Agbodjo-Lodjou de la liste provisoire des candidats, les privant ainsi d’un ticket présidentiel pour 2026.

 

Affaire Sodjinou : une opposition fragilisée, un débat relancé

 

Au-delà du volet juridique, cette affaire affaiblit l’opposition. Les Démocrates, pilier historique face au pouvoir, se retrouvent dans une impasse à quelques mois du scrutin. Un ultime recours en cassation reste possible, mais limité aux vices de forme.

La décision marque aussi une clarification jurisprudentielle : les litiges sur les parrainages ne pourront plus être érigés en crises constitutionnelles. Ils devront suivre le circuit judiciaire classique, évitant l’encombrement de la Cour suprême.

Mais, les enjeux dépassent les tribunaux. Pour plusieurs analystes, cette affaire révèle les limites du système de parrainage : censé filtrer les candidatures, il entrave parfois les dynamiques internes, notamment dans l’opposition. « C’est un outil de légitimation, mais il peut devenir un verrou antidémocratique », estime un expert en droit électoral.

 

Vers une présidentielle sous tension

 

À l’approche de 2026, l’affaire Sodjinou illustre les tensions croissantes autour du jeu électoral béninois. Les Démocrates, affaiblis sur les plans judiciaire et administratif, devront revoir leur stratégie ou nouer des alliances. Sodjinou, lui, s’affirme comme un acteur indépendant, prêt à tracer sa propre voie.

Dans ce climat incertain, une chose est sûre : chaque fiche de parrainage pourrait peser plus lourd qu’un bulletin de vote. La Cour constitutionnelle a rappelé les règles, mais le terrain politique reste plus imprévisible que jamais.

Et une série de questions s’impose, troublantes autant que révélatrices :

  • Pourquoi Michel Sodjinou a-t-il décidé de contester son parrainage à la dernière minute ?
  • A-t-il déposé sa fiche sous contrainte, comme s’il avait un pistolet sur la tempe ?
  • Ignorait-il qu’un nom pouvait être inscrit sans validation explicite lorsqu’il déposait sa fiche à blanc ?
  • Pourquoi est-il le seul membre des Démocrates à s’être plaint de la procédure ?
  • Que gagne-t-il réellement à voir son propre parti exclu des joutes électorales ?
  • Est-il la taupe tant redoutée au sein des Démocrates ?

Autant d’interrogations qui, à défaut de réponses immédiates, alimentent les soupçons et redessinent les lignes de fracture d’une présidentielle sous haute tension.