La fuite d’un juge de la Criet (Cour de la répression des infractions économiques) dénonçant des pressions politiques, crée la polémique au Bénin.
En effet, à juste quelques jours de l’élection présidentielle au Bénin, et alors que la campagne électorale bat son plein, un juge de la Criet a dénoncé l’instrumentalisation politique de la justice et s’est enfuit du pays par crainte de représailles.
La Criet, instrument judiciaire pour museler l’opposition ?
« Le juge que je suis n’est pas indépendant« , affirme Essowé Batamoussi dans une interview diffusée par RFI le 5 avril 2021. « Toutes les décisions que nous avons été amenés à prendre l’ont été sur pression, y compris celle qui a vu le placement de madame Reckya Madougou en détention », explique le juge en charge du dossier de l’opposante incarcérée début mars et accusée d’avoir « planifié des exécutions en série de personnalités politiques ».
Alors que la Criet est accusée par ses détracteurs de servir d’instrument judiciaire pour museler l’opposition, le juge Essowé a en quelque sorte corroboré ces différentes allégations.
Il a déclaré en effet que « ce n’était pas la première fois. Il y a eu pas mal de dossiers où nous avons reçu des instructions de la chancellerie« .
Pour rappel, Sebastien Ajavon qui est actuellement en exil tout comme plusieurs autres opposants, a été condamné en 2018 par la même Cour à vingt ans de prison pour trafic de drogue. Il a été à nouveau condamné début mars 2021 par contumace à une seconde peine de cinq ans de prison ferme pour « faux, usage de faux et escroquerie« .
Essowé Batamoussi a ajouté qu’il souhaite « aider les collègues qui sont sous pression et amener le peuple à savoir qu’ils n’agissent pas de leur plein gré. »
Entreprise de déstabilisation de l’Etat béninois
Séverin Quenum, ministre de la Justice du Bénin, a déclaré dans un communiqué qu’il s’agit « d’une manipulation politique ».
Il a expliqué en effet que « de fortes sommes d’argent provenant de pays voisins sont offertes ici et là pour rallier diverses personnalités civiles ou militaires à l’entreprise de déstabilisation de l’État », affirmant que « des appels à coup d’État ont été lancés ».
Une polémique qui intervient à quelques jours d’un scrutin vivement critiqué
Cette polémique intervient alors que le scrutin présidentiel doit se tenir le 11 avril prochain. Pour rappel, huit opposants béninois, dont les dossiers de candidature avaient été rejetés par la Commission électorale nationale autonome, ont été finalement écartés par la Cour constitutionnelle. Plusieurs membres de la classe politique et des observateurs pointent du doigt cette « élection sans surprise », du fait que le président Talon se retrouve face à deux opposants jugés quasi-inconnus.